Interview : Geneviève Steinling

Interview : Geneviève Steinling

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots de la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

J’ai vu plusieurs fois l’appel au concours du « Prix des Auteurs Inconnus » sur mon fil d’actualité Instagram mais je n’osais pas y participer. Une amie m’a encouragée à tenter ma chance et j’ai proposé mon livre. Quand j’ai su que je faisais partie des cinq finalistes dans ma catégorie, j’ai ressenti une immense joie et beaucoup d’émotion.

Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?

Avant d’écrire ce premier roman Hier il sera trop tard, je suis passée par la case « quête de soi ». Ma vie était, certes, bien remplie puisque je suis maman de quatre enfants mais j’avais conscience que quelque chose me manquait. Inconsciemment, je la cherchais et un jour elle s’est présentée comme ça, simplement, et c’était une évidence, je devais l’honorer. Qui ? L’écriture.

J’ignorais ce qu’elle valait. J’ai entendu parler de concours de nouvelles. J’ai soumis mes textes. Plusieurs ont été sélectionnés pour faire partie de différents recueils collectifs, certains ont été lauréats et récompensés.  

Puis toujours en quête de sens, j’ai écrit du théâtre notamment pour la jeunesse. Ces pièces sont jouées dans les ateliers théâtre et écoles en France et à l’étranger dans les écoles d’immersion en français. Parallèlement, j’ai continué à écrire des nouvelles et enfin ce roman.

Comment vous est venue cette idée, d’écrire ce roman ?

Le sujet de ce livre m’est venu à la suite d’une conversation avec une voisine. Elle me racontait qu’enfant, elle devait, à l’image de sa mère, obéir sans réserve à son père qui s’employait à les humilier toutes les deux. Elle a mentionné des punitions où il était question, par exemple, d’écrire à genoux, cent fois « je baisse les yeux quand mon père me parle ». Elle a relaté aussi un épisode qui se passait à table. Pleine d’empathie, je me devais de coucher sur papier ces deux éléments et les intégrer dans une histoire qui, elle, a été complètement inventée.

Un thème qui traverse le roman est celui des relations d’emprise. Est-ce que les mettre à plat dans les romans peut apprendre à mieux les reconnaître dans la vie ?

Mon imagination galopait mais je devais absolument conserver la psychologie de mon héroïne. Elle partage la soumission de sa mère. Étant passive, elle développe une naïveté qui l’empêche de grandir dans sa tête et qui prend l’ascendant sur son discernement.

Aujourd’hui, ce trait de caractère peut sans doute agacer mais il faut recadrer l’histoire dans son contexte, la narratrice raconte une tranche de sa vie qui se passe sur vingt ans, de 1960 à 1980. Heureusement, les choses ont changé même si quelques résidus peinent à disparaitre complètement.

L’emprise existe toujours, c’est pourquoi mon but est de démontrer qu’il faut oser. Il n’est jamais trop tard pour oser dire non, oser partir, oser suivre le chemin que nous souhaitons et pas celui que les autres ont tracé pour nous. Quand enfin, l’héroïne prend conscience de ce qu’elle est et ce qu’elle veut être, elle s’interroge : « Nul besoin d’avoir une chaîne au pied pour être prisonnier. N’est-on pas constamment prisonnier de quelqu’un, de quelque chose, voire de soi-même ? »

Il y a dans votre roman des éléments de suspense psychologique qui ne sont pas typiques de la littérature blanche. Les frontières entre les genres littéraires sont-elles faites pour être transcendées ?

Je fais état d’un grenier dont l’accès est interdit à la jeune fille. Comme elle, le lecteur ne sait pas ce qui se passe là-haut. Je maintiens le suspense jusqu’aux dernières pages. La barrière est donc fine en ce qui concerne la qualification de ce roman. Littérature blanche ou thriller psychologique ? Je pense qu’à un moment donné, ce sont les protagonistes qui le décident. Pour ma part, je ne cherche pas à entrer dans un moule et je préfère laisser à chacun et chacune la liberté de juger.

Êtes-vous une autrice jardinière ou architecte ?

Plutôt jardinière. Dès que les premières lignes sont actées, j’écris un semblant de fin qui répond au début comme si ce dernier projetait son reflet dans un miroir. Le milieu vient au fur et à mesure que les personnages prennent vie. Ils avancent tous vers une chute que je connais et que j’aime à rendre déstabilisante car je pense qu’une fin trop lisse laisse indifférent. D’ailleurs le terme « déroutant » apparait le plus souvent dans les chroniques de ce livre.

Illustration de l'écriture d'un livre

Vous êtes une autrice « hybride » (éditée et auto-éditée). Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

 

La première version de Hier il sera trop tard a été éditée chez un petit éditeur qui a mis la clé sous la porte au bout d’un an. J’ai repris mes droits. J’en ai profité pour retravailler le texte puis je l’ai autoédité.

La grande différence entre l’édition et l’auto-édition réside dans le fait que l’auteur est obligé de tout faire lui-même, mise en page, couverture, corrections, publicité, démarchage. Certains font appel à des services payants. Je ne suis pas de ceux-là. L’inconvénient majeur est qu’il me faut revêtir plusieurs casquettes, cela prend beaucoup de temps et impacte mes lectures.  Je ne lis pratiquement plus que des nouvelles et uniquement de grands auteurs. J’aime particulièrement Guy de Maupassant, René Barjavel, Dino Buzzati, Roald Dahl. Ce sont des lectures qui me font voyager hors du temps.

Comment faites-vous pour être moins inconnue ?

J’ai déjà à mon actif un certain nombre d’ouvrages sans pour autant être très connue car les livres auto-édités sont rarement acceptés par les libraires et leur visibilité demeure aléatoire. Il reste les sites virtuels. Je suis sur Instagram et Facebook. J’essaie aussi de prospecter les librairies pour dédicacer mes livres car rencontrer des lecteurs et lectrices, c’est très enrichissant.

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

En un an et demi, trois contes pour la jeunesse ont été édités. Ils ont reçu de belles critiques qui m’ont vraiment touchée. Le quatrième, édité chez BoD, vient juste de sortir : La prairie enchantée et Trobelle la coccinelle née un 29 février. L’an prochain sera une année bissextile, il n’en fallait pas plus pour que j’invente ce conte qui, comme les trois premiers, comporte quelques illustrations tout en privilégiant le texte (à partir de 6 ans).

Le deuxième roman est en relecture finale. D’autres histoires pour les enfants sont en préparation. Je leur parlerai d’écologie et d’expressions populaires.

J’aimerais aussi écrire une nouvelle pièce de théâtre à faire jouer par des enfants, mes thèmes de prédilection étant l’acceptation des différences et le respect de notre environnement. Il m’est arrivé plusieurs fois d’assister à une représentation, ce sont des rencontres extraordinaires et je suis toujours aussi émue d’entendre mes propres mots dans la bouche de jeunes comédiens.

Pour finir, je tiens à remercier les organisatrices ainsi que les jurées et jurés pour le travail énorme qu’ils accomplissent en tendant la main aux auteurs auto-édités en recherche de légitimité.

 

Pour suivre l’actualité de Geneviève Steinling,  rendez-vous sur :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut