Interview : Sarah Ohana
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai découvert le Prix des auteurs inconnus sur Instagram et cette idée pour promouvoir l’auto-édition m’a beaucoup plu. Alors j’ai proposé Âmnées. Quand ma candidature a été acceptée, j’étais contente. Mon roman avançait d’un pas de plus. Je suivais les publications des candidats, leurs couvertures. Mais quand Âmnées fut finaliste… j’ai sauté de joie ! Comment oser espérer, quelques mois après sa sortie, qu’il soit finaliste d’un Prix littéraire. C’est un cadeau inespéré ! Merci.
Crédit photo : Frédéric Speich
Âmnées est votre premier roman. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
J’ai commencé à écrire Âmnées, il y a plus de dix ans, avec un leitmotiv : « Tu dois le finir pour ta fille et aussi pour toi ! ». C’était mon plus grand défi : écrire une histoire de plus de dix pages. Ancienne journaliste, j’avais travaillé ma plume dans la presse écrite, mais rédiger un article signifie écrire avec des contraintes. Se lancer dans le projet d’un roman signifiait pour moi une liberté totale. D’où mes nombreuses années… L’écriture impose une discipline que je n’ai pas, une structure que je me suis amusée à travailler. Et surtout ne jamais se décourager… Pas toujours facile. Une amie d’enfance m’a dit un jour de doute : « Tu as une écriture pointilliste. Tu écris court. Tu nous montres que ce que tu veux, comme des points sur un tableau. Et en s’écartant, on découvre ta peinture. » Je ne la remercierai jamais assez.
Âmnées fut une aventure d’écriture dure, longue, enthousiasmante et au final merveilleuse. Cette expérience m’a permis de mieux me connaître : je suis une conteuse qui raconte des histoires dont elle seule connaît la fin, tant qu’elles ne sont pas écrites.
Bercée par les Contes de Grimm, L’Alchimiste de Paulo Coelho, Le K de Dino Buzzati et les mangas, je suis une autrice équilibriste qui ouvre ses chapitres déjà structurés à sa créativité maraîchère. Mais pourquoi Âmnées ? J’aime les forces protectrices. Et écrire sur des anges gardiens sans plumes ni ailes m’a tout de suite enthousiasmée. Je pouvais ainsi mêler tout ce que j’aimais : le fantastique, les sentiments amoureux, cette sensibilité si déstabilisante et cette notion de choix importante pour les humains.
J’aime écrire et j’en ai besoin, mais cela n’est pas encore simple pour moi. Avant, je ne me sentais pas légitime pour écrire autre chose que des articles. Depuis Âmnées, c’est fini.
Vous avez écrit un roman très calme, qui tranche avec les romans d’action qu’on rencontre souvent dans la littérature de l’imaginaire. Est-ce que cela correspond à vos goûts de lectrice ?
Je vous avoue que je ne sais pas, car j’aime aussi les combats palpitants dans les romans d’action ou les mangas. Mais c’est vrai qu’Âmnées s’est très vite imposé comme un conte fantastique, plus psychologique, traitant de l’âme sensible. À aucun moment, un combat d’anges n’est venu dans mon histoire. J’ai écrit ce roman comme une ode à la magie d’être en vie, ou de pouvoir protéger la vie.
Est-ce important pour vous de travailler la psychologie des personnages (y compris dans le cas des anges, qui pourraient juste être « parfaits ») ?
Oui. Dans Âmnées, un ange gardien reste un humain décédé ayant perdu sa mémoire, donc son âme garde ses traits de caractère propre, mais elle oublie son humanité, sa sensibilité et sa curiosité. L’épreuve la plus difficile pour mes anges reste celle de vivre, comme l’humanité sur Terre. Et celle de Liya est de rester elle-même dans un univers autre, tout en choisissant d’écouter sa sensibilité et d’affronter ses peurs jusqu’à la folie, enfermée dans une jarre. Même si pour certains, c’est juste évoqué, j’ai aimé écrire sur la mélancolie, le choix, le respect, la prise de risque, l’écoute de soi, l’amitié, la folie ou la fierté de défendre son cœur, des thèmes si présents dans la vie humaine que j’ai pu aborder avec mes anges gardiens.
La romance prend une place importante dans votre histoire. Est-ce que vous avez voulu vous situer à la frontière entre les genres ?
C’est après avoir écrit Âmnées que j’ai réalisé qu’il était en équilibre entre deux genres. Ce n’était pas voulu. L’amour ressemble pour certains à une quête du Graal : cette recherche de l’amour passionnel, fusionnel, destructeur aussi. Je voulais écrire sur l’amour qui soutient, qui fait du bien, celui des petits gestes, mais il demande de l’observation, de la sensibilité et d’affronter ses peurs pour le repérer et le protéger. Il faut être disponible pour le ressentir, comme la magie de la vie.
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
J’ai découvert l’auto-édition par deux entrées : une maison d’édition qui, après avoir lu mon roman, m’a conseillé cette voie et le blog de Jupiter Phaeton. Merci à eux deux, car j’aime ce que je fais. Pour moi, il n’y a pas plus d’inconvénients ou d’avantages entre ces deux voies. Courtiser une maison d’édition signifie avoir plus de temps pour écrire. C’est plus long, incertain et on ne suit plus la fabrication ni la commercialisation, mais on est soutenu, encadré et on ne débourse rien. Partir dans l’auto-édition se résume à porter seule trois casquettes : autrice, éditrice, commerciale, soit apprendre à gérer ces trois métiers et le temps dépensé, créer son équipe éditoriale, avoir un budget de départ et avancer avec son roman. Ce sont deux projets différents qu’il faut choisir selon le temps, les moyens et l’envie qu’on a.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
Grâce à vous, j’ai un statut de finaliste. Cela fait son effet lors de mes dédicaces. Merci beaucoup. Sinon, je vends sur Amazon KDP. Je fais des dédicaces et des salons que j’annonce sur mon compte Insta. Je pars rencontrer les lecteurs avec mes trois casquettes. Et j’adore discuter de littérature, d’anges gardiens et d’édition.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Oh oui ! Et mon défi est d’éviter de mettre dix ans à l’écrire et même de le finir en 2024 ! Un seul point commun avec Âmnées : ce sera un one-shot. Sinon, je change du tout au tout, car c’est un conte traitant de la résilience autour d’un sujet difficile de l’adolescence, écrit à la première personne du singulier. Un huis clos qui se passera sur un week-end. Et si j’ai déjà toute la structure, des nouveaux chapitres se sont encore ajoutés qui densifient l’histoire. J’en suis ravie, mais ça rallonge mon travail ! Je teste ma plume dans ce projet, car ce roman aura d’importants Trigger Warnings (des passages potentiellement choquants), même si je veux qu’il puisse être lu à partir de 16 ans. C’est pourquoi j’avance à la vitesse d’un escargot sous le soleil, mais je sais que je le finirai un jour ! Or, ma casquette d’éditrice m’interdit de dépasser ma deadline et celle d’autrice la refuse. Peut-être la commerciale en moi tranchera-t-elle, car une campagne de promotion doit être programmée à l’avance. Bref, la vie d’une auto-éditée ! 😉
Pour suivre l’actualité de Sarah Ohana, rendez-vous sur :