Interview : Marie-Sophie Villard

Interview : Marie-Sophie Villard

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

Ma participation au Prix des Auteurs Inconnus ainsi que ma sélection parmi les cinq finalistes de la catégorie « littérature noire » ont été de très belles surprises !

Mon éditeur avait candidaté pour moi, sans m’en parler, et je n’ai appris la nouvelle qu’au moment de l’annonce des finalistes !

J’étais vraiment heureuse ! Les petits meurtres de Noé est mon premier roman publié, j’ai donc été très émue de sa sélection…

 

Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?

 

Je n’ai pas de souvenir précis d’un moment où l’écriture se serait invitée dans ma vie. Elle a toujours été présente.

Ma mère aime raconter que je noircissais des pages blanches de boucles noires, avec sérieux, en expliquant que j’écrivais. J’étais toute petite. Puis, j’ai enregistré des histoires sur K7. Je me souviens encore des histoires de princesses fortes que j’imaginais… À six ans, J’ai dicté un premier roman que j’avais illustré. Mon grand-père l’avait photocopié en petit et grand format puis distribué aux membres de la famille. Il était très fier. En fait, il a été mon premier éditeur !

J’ai continué à écrire à tous les âges, avec des pauses parfois. Et puis, en 2012, j’ai participé au concours de nouvelles organisé par l’Atelier Mosésu. J’ai remporté une publication auprès de grands noms du noir. Ça m’a fait du bien qu’un éditeur pense que ce que j’écrivais était lisible par des lecteurs. C’était vraiment important pour moi à l’époque.

Ensuite, j’ai écrit d’arrache-pied. J’ai rempli mes tiroirs de manuscrits et ma boîte aux lettres s’est garnie de courriers de refus. Parfois, des réponses personnalisées arrivaient, ce qui me donnait des pistes de travail intéressantes. L’écriture est un travail solitaire, créatif mais aussi technique et j’avais besoin de toutes les indications possibles pour améliorer mon artisanat. Ce que m’a permis aussi le travail éditorial avec mon éditeur pour Les petits meurtres de Noé. J’y reviendrai…

Un jour, le bon envoi, du bon texte à l’éditeur qui a eu l’envie et l’énergie de porter le livre !

C’était le début du voyage de mon roman vers ses lecteurs.

Parlez-nous de votre processus d’écriture.

J’écris sans musique. Pas forcément dans le silence puisque je peux rédiger à l’extérieur, dans un café ou dans une bibliothèque. Souvent sur PC, mais ce n’est pas une règle absolue. Je dicte mes histoires ou les écris sur des carnets. Il m’arrive parfois de procéder de plusieurs manières différentes pour un même texte.

De façon générale, je laisse la créativité pure s’exprimer pour le premier jet. Je ne construis pas mon récit comme une architecte avec un plan fixe et précis. Je mûris longtemps le projet avant l’écriture et je ne l’accouche que lorsqu’il est prêt. Comme si je n’avais plus qu’à raconter. Je découvre une partie de l’histoire en la rédigeant, mais je sens que tout était déjà là.

J’ai parfois travaillé avec un plan, mais j’ai l’impression qu’il me contraint à faire marcher ma réflexion au moment où je dois juste laisser aller les mots, sans me juger.

Après, vient le travail fastidieux de réécriture, où je suis une lectrice sévère. Là c’est un tout autre processus qui commence. D’abord vérifier que le texte tient la route, le modifier en fonction et puis commence la correction…

Comment vous est venue l’idée d’écrire Les petits meurtres de Noé ?

Mon fils était petit, on passait l’après-midi au parc. Il jouait dans le couloir d’un toboggan, je ne pouvais pas voir à l’intérieur. Là, coup de stress ! Une idée folle et effrayante m’a envahie.

Qu’est-ce qu’il se passerait s’il y avait un petit psychopathe avec mon fils coincé, là, dans ce couloir de toboggan ?

 

Une fois l’inquiétude de maman évanouie, lorsque je l’ai vu sortir entier, j’ai laissé place au travail de l’auteur. Tirer sur le fil d’une pensée.

Je me suis questionnée : est-ce que les enfants meurtriers existent ? Après quelques recherches rapides, je suis tombée sur des histoires terribles.

J’ai encore tiré sur le fil… Comment je réagirais si j’étais à la place de leurs parents ?

J’ai tiré plus fort… Que ferais-je si je savais que mon fils deviendrait un meurtrier ? Quelle serait ma réaction ?

La réponse ne m’a pas parue évidente. Elle était complexe et troublante.

C’était donc, selon moi, une bonne idée de roman à développer.

C’est ce moment vécu qui m’a amenée à conter l’histoire de Manon, cette jeune maman en prise aux agitations d’une maternité déstabilisante…

Vous ne ménagez pas votre lecteur en annonçant la couleur dès la couverture : vos thèmes marient paradoxalement maternité et meurtres en série.

J’aime beaucoup la couverture de mon roman, mais je n’ai rien à voir avec sa création. C’est Bertrand Binois, le graphiste des éditions Faute de frappe, qui en est le responsable.

Au moment où j’ai reçu cette proposition de mon éditeur, un frisson m’a parcourue ! J’ai aimé l’idée d’armer un fœtus d’un couteau, l’image étant parlante par rapport à mon texte et malaisante. C’était la bonne couverture.

 

Un tel roman peut-il être mis entre toutes les mains ?

Les bonnes mains sont celles qui ont envie de le tenir ! J’ajouterai… pour un public adulte.

L’histoire n’est pas sanglante, c’est un thriller psychologique mais certains lecteurs ont été mal à l’aise avec l’histoire ou avec ce qu’elle faisait émerger en eux !

Les petits meurtres de Noé a été lu par des femmes, par des hommes, et par… des femmes enceintes aussi !

 

Contrairement à Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver, Manon, la mère de votre roman, aime son enfant envers et contre tout. On ne saurait dire ce qui est le plus dérangeant : mais est-ce la fonction de la littérature, de nous obliger à questionner les évidences ?

Je n’ai pas lu Il faut qu’on parle de Kevin, mais je le ferai ! Je dirais que Manon aime son enfant malgré tout. Malgré les différences vertigineuses qui les séparent. Au départ, il n’était pas évident qu’elle prenne ce chemin.

Comment aimer quelqu’un si éloigné de nos valeurs ? C’est une question qui m’a animée tout le long de l’écriture. Manon apporte une réponse, mais il y en a une multitude.

La littérature nous ouvre sur le monde. Sur d’autres univers, d’autres paysages, d’autres pensées. Rester curieux, accepter de se questionner fait partie selon moi de ce qui nous empêche de finir obtus.

Je pense que la littérature doit nous bousculer, nous embarquer dans des zones inconfortables pour nous faire réfléchir.

En tant que parent, il y a la question de l’influence que l’on a sur son enfant et de sa propre responsabilité sur la personne qu’il sera. Finalement, on fait des enfants, on les élève et ils appartiennent ensuite à un monde dans lequel ils agissent avec les bagages qu’on leur a donnés.

J’aime l’idée que le lecteur entre en empathie avec Manon. Qu’il la comprenne même s’il n’est pas d’accord avec elle. Et j’aime l’idée qu’il se mette à sa place et découvre la réaction qu’il aurait eue. Certains lecteurs sont venus me raconter comment ils réagiraient face à leur enfant psychopathe. Je peux vous dire que ce sont eux qui m’ont troublée !

 

Dans votre roman, vous partez d’un postulat glaçant, celui de la prédestination génétique. Est-ce pour vous une réalité, une peur ou un simple ressort scénaristique ?

Je pense que nous ne sommes pas complètement libres de qui nous sommes. Nos parents, notre milieu, nos gènes nous façonnent en partie. En tant que maman je me demande à quel point mes gènes et mon éducation influencent mon fils. C’est une très grande responsabilité, vertigineuse.

Je pense, j’espère, qu’on a aussi une grande part de liberté, la possibilité de mener notre vie et de décider de nos actes.

Pour mon roman, la prédestination génétique est un ressort scénaristique. J’avais besoin que le lecteur et le personnage de Manon aient la quasi-certitude de l’avenir de Noé : il deviendra serial killer. Mais en tant que parent, est-ce que cela empêche l’espoir de changer les choses ? Le doute n’est-t-il pas toujours présent ?

Et la question revient… Que feriez-vous à la place de Manon ? Est-ce que vous penseriez possible de sauver Noé ?

Comment avez-vous rencontré votre éditeur (aux Editions Faute de frappe) ? Qu’apportent un éditeur et une maison d’édition par rapport à l’auto-édition ?

Je me baladais un soir sur Facebook et je regardais les sorties de romans d’auteurs du noir. Je suis tombée sur le nom des éditions Faute de frappe.

J’avais mon roman au chaud dans mon PC et j’ai décidé de le soumettre à cette maison. Quelques semaines après, j’ai reçu un message me proposant un appel afin de discuter d’une éventuelle publication.

Ce que j’ai apprécié dans la collaboration avec un éditeur, c’est son accompagnement. J’en reviens à ce que je disais au départ, j’ai apprécié le travail éditorial, bosser en profondeur sur le texte. Depuis, j’ai beaucoup lu et écouté parler les auteurs sur leur travail technique d’écriture. Je pense qu’un auteur ne doit pas cesser d’apprendre dans ce domaine.

Il y a aussi le graphisme de la couverture, par exemple, que je n’aurais pas su faire…

Au moment de la sortie du livre, l’attaché de presse des éditions Faute de frappe a vraiment fait en sorte que je participe à de nombreux événements (salons et signatures). Il m’a coachée pour que je fasse mes premiers pas dans la vie d’auteur le mieux possible.

Á l’époque, je ne me sentais pas prête à m’auto-éditer. J’avais besoin d’apprendre et qu’un professionnel valide mon travail. Ce qui est très personnel et certainement dû à un manque de confiance.

 

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

Ma présence sur les réseaux, en dédicaces et en salons aide à être un peu moins inconnue.

Répondre à des interviews aussi !

 

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

Je fourmille de projets. J’ai un polar jeunesse abouti, un feel-good à finir de corriger et le prochain thriller en fin d’écriture ! Il faut maintenant qu’ils trouvent chacun leur place quand ils seront prêts !

 

 

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