Interview : Sophie Fischer
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
Je connaissais déjà le prix pour l’avoir suivi l’année précédente, même si c’était de loin car je me lançais encore à peine dans l’autoédition. La mer des Larmes étant un roman cher à mon cœur, je souhaitais vraiment lui donner l’opportunité d’être plus visible et de toucher son public, et c’est pour cette raison que j’ai tenté ma chance. J’ai donc été très touchée quand il a été sélectionné parmi les finalistes : c’était une reconnaissance et j’étais enchantée de participer à cette aventure.

La mer des Larmes n’est pas votre premier roman. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
J’ai commencé très jeune, quand j’avais une douzaine d’années, après avoir découvert Tigre, feu et flamme, un roman de fantasy. Cette lecture m’a emballée et c’est comme ça que j’ai découvert l’imaginaire ; je me suis plongée dedans et n’en suis jamais vraiment ressortie ! Mon inspiration est multiple et provient de beaucoup d’éléments : les romans que je lis, les films ou les séries que je regarde, les histoires que j’entends, qu’on me partage, et surtout les jeux de rôle, une activité que je pratique depuis de nombreuses années, dans des univers aussi divers que Donjons et Dragons, Knight, Shadowrun ou Dragon Age.
La mer des Larmes a d’ailleurs été conçu comme ça : comme une partie de jeu de rôle ! En bonne maîtresse du jeu, je planifie mes romans du début à la fin, avec des post-it collés sur mon mur et des fiches de personnages détaillées. Même si je laisse une partie de l’aventure au hasard (et il m’arrive même de sortir un dé à vingt faces pour décider du résultat d’une action), pour être moi aussi surprise par l’histoire, je connais à l’avance le début et la fin, pour ne jamais perdre le fil de mon récit. J’écris surtout le matin, quand tout est calme dans la maison, pour être sûre d’avoir le temps de m’y consacrer pleinement. Mais en général, quand je suis lancée dans une histoire, je suis capable d’écrire plusieurs heures avec le même plaisir.
Vous semblez très documentée sur le monde de la navigation et de la piraterie. Comment avez-vous procédé ?
C’est un monde que je connais bien car il me passionne depuis longtemps. La mer des Larmes est l’aboutissement de plusieurs années à lire, me renseigner, me documenter sur le monde marin et les pirates. Pas étonnant que mon personnage de roman favori soit Phileas Fogg, qui était lui-même un marin et le grand voyageur qu’on connaît ! Ce roman était pour moi une façon de rendre hommage à cette passion pour la mer que j’ai, et qui me vient de mon père, qui lui-même était marin.
On s’identifie facilement à Zenaline, magicienne très humaine. Est-ce qu’elle vous ressemble, la fiction est-elle une prolongation de la réalité ?
Zenaline ne me ressemble absolument pas ! Elle est emportée, vive, très à l’aise en public, et en même temps menteuse, peureuse et lâche par moments. En réalité, je ressemble beaucoup plus à Ermengard, le capitaine de La Navigatrice, le navire sur lequel elle trouve refuge. Mais Zenaline est un personnage que j’ai adoré créer, parce qu’elle est drôle, irrévérencieuse, mais aussi bourrée de défauts. Je ne voulais pas qu’elle soit parfaite, mais simplement humaine.

Comment avez-vous fait le choix de créer un univers très imaginaire pour aborder des valeurs et thématiques bien réelles (la famille, l’amitié, le courage, l’entraide, l’amour) ?
Je n’ai pas abordé la construction de l’univers distinctement des valeurs et des thématiques que je voulais explorer. Pour moi, ces éléments sont intimement liés. En fait, ils ont évolué ensemble et se sont influencés mutuellement.
Écrire en fantasy plutôt que dans un univers réaliste m’a permis de transcender les limites du monde réel, ce qui permet d’user de métaphores. Par exemple, la danse de Valrand avec les esprits symbolise tout simplement la liberté et l’acceptation de soi. Il danse sur le pont sans se soucier du regard des marins qui pourraient le surprendre à cet instant. Quand Zenaline le regarde faire, elle admire la façon dont il se lie aux esprits des eaux, qui sont des représentations de la liberté, de l’instinct. Ce sont des êtres qui ne connaissent pas les mensonges et les faux-semblants et Valrand danse avec eux comme s’il était l’un d’eux. Zenaline, elle, n’a pas encore le courage de se montrer au monde telle qu’elle est. Plus qu’une façon d’aborder la magie et une démonstration des pouvoirs de Valrand, c’est une façon de vivre qu’elle découvre à ce moment-là, et c’était ce que je voulais transmettre aux lecteurs.
Les voyages, les affrontements et les défis auxquels mes héros sont confrontés étaient autant de moyens pour explorer les dynamiques familiales, l’importance de l’amitié, la force du courage et la signification de l’amour dans des contextes extraordinaires. Pour moi, la création de l’univers imaginaire et l’exploration des valeurs humaines se sont faites simultanément, se sont nourries l’une l’autre. C’est cette interaction qui a donné naissance à un récit où l’extraordinaire sert de révélateur aux aspects les plus réels et profonds de la nature humaine.

Vous êtes passée par des maisons d’édition. Comment êtes-vous venue à l’auto-édition, comment avez-vous choisi BoD ?
J’avais envie de mieux diriger le processus créatif de mes livres, d’avoir plus de contrôle sur des éléments beaucoup plus terre à terre comme le choix de la couverture, de la date de parution, les corrections éditoriales, etc. Je connaissais le monde de l’édition pour avoir déjà publié en maison traditionnelle, ce qui m’a rassurée sur mes « compétences » en écriture et m’a poussée à me lancer en solo.
J’ai choisi BoD après m’être renseignée sur les différentes plates-formes de publication. BoD avait de bons retours des auteurs, qui étaient satisfaits de leurs services et surtout de la qualité de leurs livres papier. De plus, c’est une plate-forme européenne, basée en Allemagne, et j’étais soucieuse de la provenance de mes livres et des conditions dans lesquelles mon roman allait être imprimé.
Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Le plus difficile est probablement d’endosser différentes casquettes à chaque étape de la création du livre, dont l’écriture ne représente plus qu’une petite partie, finalement. On devient éditeur, correcteur, relecteur, chef marketing, chargé de communication, etc. Il faut beaucoup de motivation et de rigueur pour réussir à maîtriser toutes ces facettes de l’autoédition. Et je suis loin de les maîtriser encore !
En revanche, la satisfaction de tout diriger est immense. C’est une vraie fierté de produire un livre de A à Z, de se dire qu’on en a été capable. Et puis, le contact avec les lecteurs est différent : je trouve qu’il y a une plus grande proximité entre l’auteur et les lecteurs quand on est en autoédition et j’aime beaucoup cela.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
C’est le nerf de la guerre, et probablement la partie la plus compliquée à gérer ! Je suis présente sur les réseaux sociaux, en salon, je m’autorise un peu de publicité, mais en réalité, ce qui fonctionne le mieux, c’est le bouche-à-oreille. Lorsque les lecteurs apprécient le livre et qu’ils le recommandent autour d’eux, c’est le meilleur moyen pour qu’il soit un peu plus visible. Et puis, il y a aussi ceux qui se démènent pour faire connaître les autoédités, comme le Prix des Auteurs Inconnus, par exemple.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
J’ai beaucoup d’autres projets, trop pour mon propre bien ! J’ai un roman de fantastique à corriger, une nouvelle saga en cours de germination dans mon esprit, sans compter La demoiselle et le mousquetaire, ma série de cosy-mystery qui m’occupe énormément en ce moment. Bref, je n’ai pas le temps de m’ennuyer et je ne vais pas disparaître de sitôt !
