Interview : Julien Cordier
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionné ?
En ce qui me concerne, c’est une des lectrices de mon 1er roman Alyson qui m’a fait découvrir le PAI en 2020 et conseillé d’y participer. J’ai bien fait de l’écouter puisque le roman s’est retrouvé finaliste de la catégorie « Romance ».
Naturellement, à la sortie de « Crystal – Tome 1 : L’effet miroir », j’ai pensé au PAI, et je l’ai inscrit cette fois-ci dans la catégorie « Noire ». Quand j’ai découvert qu’il était lui aussi sélectionné, j’ai fêté la nouvelle avec mes proches le soir même.
L’effet miroir n’est ni votre premier roman ni le premier sélectionné pour le PAI. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
En fait, ce fut un chemin semé de doutes.
Lorsque j’étais adolescent, je rêvais de devenir cinéaste. Je voulais écrire mes propres histoires et les pousser sur le grand écran. Mais, à l’époque, on ne pouvait pas faire de films avec un simple smartphone et quelques équipements financièrement abordables. Résultat, mes histoires finissaient tout le temps dans le fond d’un tiroir, sous forme de scénarios.
Ce n’est qu’en 2004, après avoir fait un rêve qui m’a beaucoup troublé et dans lequel je rencontrais une actrice hollywoodienne qui jouait dans une série que j’adorais à l’époque, que m’est venue l’idée d’écrire Alyson. Mais cette fois-ci, je ne voulais pas que mon histoire finisse comme les autres aux oubliettes, alors j’ai commencé d’écrire des romans.
À l’époque, j’étais en première année d’université et je lisais un peu de Stephen King. Puis, ma colocataire de l’époque, Virginie, m’a alors parlé d’un auteur qu’elle adorait : Marc Levy. C’est elle qui m’a conseillé de lire ses romans et c’est de cette manière que j’ai découvert une nouvelle façon d’écrire qui m’a beaucoup inspiré. Son style, ajouté à celui de mes scénaristes/réalisateurs favoris (Christopher Nolan, Joss Whedon, Robert Zemeckis…), a commencé alors à composer mon propre style que j’ai eu l’occasion d’expérimenter en écrivant Alyson.
En 2020, lorsque m’est venue l’idée du concept de Crystal, je voulais me lancer un nouveau défi. Chaque livre est pour moi une manière de m’explorer, de me dépasser. Je ne voulais pas appliquer le concept du « on prend les mêmes et on recommence ». Je voulais à nouveau me mettre dans ma zone d’inconfort et explorer des voies plus expérimentales. Alors, j’ai fait beaucoup de recherches pour ce roman. Ce fut une aventure incroyable, car cela m’a permis d’explorer le monde, l’univers du MIT et de Harvard, Boston, la biologie, la physique quantique…
Aujourd’hui, je ne peux imaginer ma vie sans écrire. Chaque livre est un cadeau que je me fais. Une aventure intérieure. Dès que je peux, je fonce au Café du commerce de Nancy, sur la magnifique place Stanislas, je mets mes écouteurs, j’écoute des musiques de film (Hans Zimmer, Alan Silvestri, Trevor Rabin…) et j’écris…
Le temps d’une journée, mon esprit sort de mon corps et part à la découverte du monde.
Votre roman L’effet miroir, qui fait la part belle à des citations d’Einstein en exergue des chapitres, est très documenté sur la recherche scientifique, même si vous imaginez des découvertes qui n’existent pas (ou pas encore !). Comment avez-vous procédé pour vous documenter ? Avez-vous été étudiant sur ce campus ?
Je n’ai pas été étudiant au MIT. Comme le personnage de Chrystine, je n’aurais jamais imaginé qu’il soit possible qu’un Français inconnu comme moi puisse partir étudier aux États-Unis, dans une des cinq universités les plus prestigieuses du monde. Aujourd’hui, je me dis que j’étais bête de penser une chose pareille, car ce sont finalement mes croyances qui m’ont limité.
En fait, l’idée de Crystal est venue d’un reportage que j’ai visionné en 2019 sur YouTube qui parlait des « enfants cristal » (ils jouent un rôle de guides spirituels ; pour ne pas m’éloigner trop loin du sujet, je vous invite à interroger Google). C’est alors que mon esprit de cinéaste s’est réveillé en faisant un parallèle surprenant avec des espions, des agents dormants, tels qu’on en voit au cinéma (ex : Jason Bourne, Mission impossible, Au revoir à jamais…).
Dès lors, je me suis dit que je tenais une histoire incroyable. Parler des enfants cristal à travers une histoire d’agents secrets était un concept génial, avec beaucoup de doubles sens qui amènent à de véritables réflexions spirituelles et métaphysiques.
Pour pouvoir aborder un thème pareil à travers une narration que je voulais solide, je souhaitais m’inspirer de l’ambiance du film Interstellar où, ce que nous considérons comme de la science-fiction a été rendue très crédible par des théories scientifiques existantes, telle que la théorie des cordes.
Pour cela, j’avais besoin d’un lieu qui sache incarner ce concept, et le MIT m’est soudain apparu comme une évidence. Dès lors, j’ai commencé tout un tas de recherches. J’ai visité le site du MIT, j’ai regardé comment se passaient les inscriptions et les cursus scolaires. J’ai suivi la chaine YouTube de « Tinyshot of science », un Français qui a partagé son aventure lorsqu’il est parti faire un stage au MIT, j’ai tenté de rentrer en contact avec d’anciens étudiants de cette école, j’ai échangé par mails avec le patron du Grafton Street, à Boston, un bar souvent évoqué dans le roman…
En quelques semaines seulement, j’avais l’impression d’être un étudiant au MIT… c’était juste incroyable !
Pour ce qui est des citations d’Einstein, elles sont d’une justesse implacable. Encore à notre époque, j’ai l’impression que son esprit est en avance sur notre temps. Et par rapport à ce qui va se passer dans le tome 2, tout ce que je peux dire c’est que la physique quantique sera à l’honneur.
Quant à ces « découvertes qui n’existent pas (ou pas encore) », cela peut en effet paraître pour de la science-fiction pour certains, mais pour d’autres qui s’intéressent de près au sujet, il n’est plus impensable de croire que cette technologie existe déjà. Il y a dix ans, j’ai vu un reportage qui expliquait que certains génies de la Silicon Valley tentaient de « digitaliser » le cerveau. Ils parvenaient déjà à le faire sur un poulpe (ou presque) et pensaient être en mesure de le faire sur un cerveau humain d’ici 25 ans. Nous serions donc officiellement à 15 ans de pouvoir connecter notre conscience à des machines ou à Internet. Sachant que le reportage était diffusé publiquement, il est tout à fait crédible d’imaginer que des agences gouvernementales secrètes seraient déjà opérationnelles sur le sujet.
Dans l’interview que vous nous aviez donnée en 2021 au sujet d’Alyson, vous parliez de votre passion pour le cinéma et du script de film auquel vous pensiez déjà – tout comme vos lecteurs. C’est de nouveau le cas avec L’effet miroir ; avez-vous des projets dans ce sens ?
Oh que oui !
Entre la publication d’Alyson et maintenant, j’ai fait mes petites recherches. Je progresse doucement dans l’intention de transformer mes romans en films. Plusieurs manières de procéder s’offrent à moi et j’essaie de mettre toutes les chances de mon côté. En ce moment, j’alterne entre l’écriture du deuxième et dernier tome de Crystal et l’apprentissage du métier de cinéaste. Mon but n’est pas forcément de réaliser moi-même le film (je manque certainement d’expérience pour cela), mais de bien comprendre dans quoi je vais mettre les pieds avant de me lancer.
Mon souhait, à ce jour, est de commencer par l’adaptation de Alyson. Pour la suite, nous verrons une fois que j’aurai déjà passé ce cap.
Que pouvez-vous d’ores et déjà dire aux lecteurs frustrés par le cliffhanger qui termine le tome 1 de Crystal ?
Tout d’abord, que je suis désolé d’avoir provoqué de la frustration. Contrairement à ce qu’un des chroniqueurs a dit… il n’y avait aucune intention marketing pour donner l’envie d’acheter le tome 2, pour la simple et bonne raison qu’à la base, je n’avais aucune intention d’écrire deux tomes.
Toutefois, le fait est qu’en écrivant Crystal, j’ai pris conscience que l’histoire était si riche que je n’arriverais jamais à l’écrire en un seul livre. Et comme il se produisait un grand retournement de situation au milieu de l’histoire, j’ai finalement pris la décision à la dernière minute d’en faire deux tomes et d’utiliser cette scène en guise de transition.
Tout ce que je peux dire sur l’ensemble de l’œuvre c’est que les deux tomes seront complémentaires. Certains ont pu voir que sur la tranche du livre il y avait un yin. Sur le second, il y aura un yang, parce que nous allons démarrer une nouvelle trame de narration… adieu le MIT et bonjour Paris… et cette trame sera très complémentaire du tome 1.
Dans le tome 1, nous abordions la spiritualité par la science. Dans le tome 2, c’est la science que nous aborderons par la spiritualité… tel un effet miroir.
Comment êtes-vous venu à l’auto-édition, comment avez-vous choisi BoD ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
En fait, tout cela est venu d’un concours de circonstances.
Quand j’ai terminé l’écriture de Alyson, j’avais très peu confiance en moi.
Résultat, j’ai commencé par chercher un éditeur. Toutefois, j’ai toujours aimé le design, le montage vidéo, la mise en page… je savais que j’avais les compétences pour faire un livre. Aujourd’hui, je compose moi-même mes couvertures (pour Alyson, une amie graphiste m’a aidé), je réalise mes bandes-annonces… j’adore ça, j’aime cette liberté.
Mais comme dit plus haut, j’ai commencé par chercher un éditeur fin 2019. Puis, quand on s’est tous retrouvés confinés en mars 2020, j’ai compris qu’aucun éditeur ne serait favorable à éditer un nouvel auteur tel que moi dans ce contexte. Alors, c’est ça qui m’a décidé à sauter le pas de l’autoédition.
J’ai choisi BoD pour la simple et bonne raison que c’était la seule plateforme qui me proposait de rester libre, tout en me permettant d’être distribué partout, que ce soit sur Internet ou en librairie. Pour ma part, je tiens à travailler avec les libraires qui font – pour bon nombre – un travail phénoménal. Personnellement, quand je veux acheter un livre, c’est très souvent en librairie ou en magasin que je vais.
Le problème est que, même si nous choisissons une solution comme BoD, qui respecte tout le circuit de vente du livre grâce à une distribution digne de ce nom en librairie, la grande majorité des libraires refuse d’intégrer nos livres en rayons. Par ailleurs, l’État soutient les maisons d’édition et les librairies, tout en pénalisant les auteurs indépendants (je m’appuie sur un cas concret dont j’ai été témoin récemment où un organisateur de salons, dépendant de subventions de l’État, s’est vu pénalisé de plusieurs milliers d’euros pour avoir reçu des auteurs qui n’étaient pas édités à compte d’éditeur).
En autoédition, il est donc difficile de faire connaître notre travail. C’est le prix de la liberté. Pour se faire connaître, il faut faire preuve d’inventivité.
En ce qui me concerne, je pense que tout le monde a sa place sur le marché du livre. Pour ma part, je reste autoédité parce que j’aime ma liberté. Cependant, je n’écarte pas la possibilité d’être édité un jour, mais cela ne se produira que si cela me permet de traduire mes histoires en film ou si je trouve un éditeur qui cherchera à créer un véritable partenariat avec moi, et non un rapport déséquilibré en s’appropriant les droits d’exploitation de mes œuvres.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnu ?
Que ce soit dans ma manière d’écrire, ma manière de promouvoir mes livres et même ma manière de vivre tout simplement, j’aime me lancer des défis, me dépasser, chercher l’originalité, l’expérience inédite.
Ma plus belle expérience pour faire connaître mes livres s’est passée en avril dernier lorsque j’ai fait le tour de France. J’avais programmé sept points de dédicace : Vitry-sur-Seine, Gièvres (Loir-et-Cher), Saint-Junien (près de Limoges), Bordeaux, Carcassonne, Saint-Aunès (près de Montpellier) et Saint-Chamas (près d’Aix-en-Provence), et j’ai fait le tout à la manière de Pékin Express. En gros, je ne réservais aucun logement et j’affichais une pancarte lors de mes dédicaces pour proposer à mes lecteurs de me loger chez eux le soir. C’est ainsi que j’ai pu dormir dans une maison d’écluse, dans ma voiture à deux reprises, chez des familles très amicales à Bordeaux et au Cap d’Agde, ainsi que chez une amie auteure (Angélique Maurin) que je n’avais jamais eu l’occasion de voir en vrai jusqu’à ce jour…
J’ai tout filmé et retransmis sur ma chaine YouTube sous forme de VLOG et d’un reportage.
Ce fut une expérience absolument incroyable !
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Oui.
Chaque livre est pour moi un nouveau défi personnel. Je n’aime pas (en tout cas jusqu’à ce jour) faire quelque chose qui ressemble à ce que j’ai déjà pu faire par le passé. Je suis toujours à la recherche de l’inédit et de ce qui peut toucher lecteur, et pour y parvenir, il faut que le livre parvienne à me surprendre et me toucher moi-même.
Pour cette 3e histoire, le concept même de celle-ci, original et inédit à nouveau, devrait m’amener à vivre des choses… qui me dépassent complètement ! Je ne peux en dire plus pour le moment… d’autant plus que je n’ai pas encore tous les éléments. Mais si je reviens au Prix des auteurs inconnus avec ce livre, ce sera certainement dans une nouvelle catégorie (encore) : littérature blanche.