Interview : Sandrine Meilland-Rey
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai découvert ce prix en échangeant avec d’autres auteurs indépendants. J’ai décidé de candidater avec mon deuxième roman, Le Chant de la Grenouille. Il n’était pas question de ne pas saisir cette chance incroyable de faire connaître mon roman à de nouveaux lecteurs. Lorsque j’ai reçu le mail du comité de sélection du PAI, comment dire ? Je suis restée interloquée quelques secondes, car je n’avais plus en tête les échéances de la sélection. Puis j’ai ressenti une joie et une gratitude immense !
Le chant de la grenouille est votre deuxième roman. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
Mon chemin vers l’écriture remonte à mon enfance. Je suis tout d’abord une lectrice passionnée. Mon premier coup de cœur littéraire, c’était La petite maison dans la prairie de Laura Ingalls, que j’ai dévoré à six ans.
Depuis (et je ne compte pas le nombre des années !), la lecture m’accompagne chaque jour. J’aime lire Anna Gavalda, Fred Vargas, Pierre Lemaître, Anne Gaëlle Huon, Julien Sandrel… Lorsque j’étais enfant puis adolescente, j’ai écrit des petits romans, des poèmes, mon journal intime aussi. Il a fallu que j’attende d’avoir plus de quarante ans pour me lancer dans l’écriture de mon premier roman, sans parvenir à le finaliser. En 2020, j’ai participé à une masterclass d’écriture et à un concours de nouvelles qui m’a donné l’impulsion qui me manquait pour reprendre mon manuscrit et le terminer.
J’ai enchaîné assez vite avec l’écriture du Chant de la Grenouille. Cette histoire, il me tenait à cœur de l’écrire. Je voulais participer, à ma mesure, à lutter contre la violence psychologique que vivent de nombreuses femmes, pouvant même conduire jusqu’au suicide forcé. Je sais la puissance qu’ont les livres. Je suis bouleversée lorsque je reçois des messages privés de lectrices qui me disent s’être reconnues dans Le chant de la Grenouille, et comprendre qu’elles sont sous emprise. Je parle de femmes essentiellement, même si je sais que certains hommes sont aussi victimes de la perversion narcissique. Dans mon livre, le personnage de Jean-Pierre est justement là pour que les lecteurs concernés puissent aussi se projeter dans l’histoire.
Mon processus d’écriture est assez classique. Au départ il y a la volonté d’écrire sur un sujet qui me tient à cœur. Ensuite, les personnages apparaissent dans mon imagination au gré de mes pensées. Lorsque j’ai assez « rêvassé » à mon histoire en griffonnant dans un carnet, je structure l’intrigue en grandes parties, puis je détaille chapitre après chapitre avant de commencer l’écriture de mon premier jet, à l’ordinateur cette fois-ci. Bien sûr, j’opère des changements par rapport à ce que j’ai imaginé au départ. C’est la magie de la création.
Votre roman a une dimension psychologique très forte, notamment lorsque vous analysez les phénomènes de répétition. Pensez-vous que la dimension psychologique est un atout pour favoriser l’identification du lecteur, ou est-ce qu’elle lui permet au contraire de mettre l’histoire à distance pour garder son esprit critique ?
Lorsqu’on est sous emprise psychologique, on perd tout libre arbitre et toute capacité à analyser ce qui ne tourne pas rond dans sa propre vie. Le roman fonctionne comme un miroir. Le lecteur se projette dans l’histoire, vit les émotions des personnages tout en conservant une capacité d’analyse. Une personne sous emprise qui va lire mon livre va se rendre compte que ce qui arrive à Clara ou Mélissa ressemble étrangement à son quotidien. Et c’est dans ce moment singulier, sans jugement extérieur, que la prise de conscience se fait, que des questions essentielles germent dans l’esprit de la victime ou de ses proches. Et si j’étais moi aussi sous emprise ? Se poser cette question, c’est déjà y répondre.
Cela éclaire effectivement ce que vous dites dès la 4ème de couverture : « Ce roman se veut une aide pour celles et ceux qui sont piégés dans une relation toxique mais aussi pour leurs proches bien souvent impuissants, en permettant la prise de conscience qu’un autre avenir est possible. »
Et en ce qui concerne les aspects techniques de l’enquête policière, avez-vous fait des recherches ?
Oui, j’ai tout d’abord étudié le rôle de la gendarmerie dans la lutte contre les violences conjugales. Puis j’ai potassé le Code pénal pour comprendre comment se déroulait une enquête, lu de nombreux articles écrits durant le Grenelle des Violences conjugales. Enfin, j’ai lu les rapports de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui permettent de bien saisir les conditions de travail des gendarmes et les modalités de la garde à vue.
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition, comment avez-vous choisi Librinova ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
J’ai choisi l’autoédition pour la liberté qu’elle apporte à l’auteur. J’aime maitriser tout le process de l’écriture, du choix de la couverture et du titre. Je pense qu’il faut avoir un esprit entrepreneurial pour s’autopublier. Cela ne signifie pas que l’on doit rester seul dans son travail. Au contraire, il faut savoir s’entourer de professionnels pour que le roman soit tout aussi professionnel qu’un roman édité de manière traditionnelle. J’ai choisi Librinova pour mes deux premiers romans pour pouvoir disposer de cette aide professionnelle pour la publication.
Les inconvénients de l’autoédition, c’est subir encore le regard méprisant de certains libraires et être exclu de la plupart des salons du livre. Se faire connaître n’est possible que par le bouche-à-oreille, par les réseaux, par des prix comme le PAI.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
Je partage mes coups de cœur littéraires sur mon compte insta, je parle de mes romans et de mes projets, je réponds aux messages des lecteurs, je participe à des dédicaces dans des librairies proches de chez moi.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Je termine la correction du tome 1 de mon troisième roman, et j’ai débuté la préparation du tome 2. Je voudrais les publier au printemps 2024. Le fil rouge de la condition de la femme et de son émancipation est toujours là, si ce n’est que j’emmènerai mes lecteurs dans le passé, en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale.