Interview : JS Piers
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionné ?
Bonjour ! J’ai appris l’existence du Prix des Auteurs Inconnus grâce aux réseaux sociaux. Je trouve que l’idée de mettre en lumière des romanciers inconnus est excellente, car cela permet de découvrir des livres qu’on ne voit pas partout, de sortir des sentiers battus. C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie d’y participer avec mon propre roman, parce que je pense qu’il est très différent de ce qu’on peut lire habituellement. J’ai évidemment été très heureux en découvrant la sélection.
Le dé à coudre est votre premier roman. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
L’écriture du Dé à coudre a été une grande aventure ! Je considère personnellement qu’on ne peut pas être auteur sans être avant tout un lecteur, et qu’une bonne culture générale est essentielle. C’est pourquoi la double dédicace, au début de mon roman, rend hommage à mes parents, qui m’ont donné le goût des livres et des histoires, et à mes professeurs, qui m’ont donné les outils nécessaires à la création littéraire. J’ai grandi avec des auteurs comme Jules Verne, R. L. Stevenson ou Stephen King, et, même si je lis de tout, l’aventure et le fantastique sont, encore aujourd’hui, mes genres préférés.
J’ai toujours aimé écrire, mais c’est en 2006 que j’ai eu la première idée de ce qui deviendrait Le Dé à coudre. J’avais envie de partager les histoires qui me passionnaient, de trouver des liens entre toutes ces histoires, et d’en faire quelque chose de nouveau et de cohérent. J’y ai réfléchi pendant dix ans : j’ai construit des plans, des schémas, des lignes du temps et des arbres généalogiques pour structurer mon roman ; j’ai fait énormément de recherches pour nourrir mon intrigue et j’ai parfois trouvé des coïncidences complètement folles ; j’ai pris beaucoup de notes manuscrites. Je me suis beaucoup reconnu dans une phrase prononcée par l’autrice Geneviève Damas, rencontrée à Bruxelles l’année dernière : « On écrit comme on voyage. » Dans ces deux domaines, je ne laisse effectivement rien au hasard !
Je suis ensuite passé à l’écriture proprement dite, sur l’ordinateur, puis aux relectures, à l’élagage et aux corrections, jusqu’en 2019. J’ai également fait relire mon manuscrit à quelques personnes de mon entourage et l’ai envoyé à deux organismes spécialisés dans cet exercice. Leurs avis et conseils m’ont permis d’améliorer mon texte final. J’ai donc consacré treize ans de travail à ce projet avant de le soumettre enfin aux éditeurs.
Puisque je n’écris pas sans filet, je n’ai jamais l’angoisse de la page blanche. Si je n’ai pas, dès le départ, une bonne histoire à raconter, je n’écris tout simplement pas.
Votre roman compte de nombreuses références très riches tant en littérature ou en histoire qu’en mathématiques ou en énigmes. Est-ce que pour vous, la littérature est destinée tout autant à divertir qu’à enseigner ?
Ce qui fait, pour moi, la richesse de la littérature, c’est justement sa variété. Certains romans sont plus légers, d’autres – comme le mien – sont plus exigeants et réclament aux lecteurs de sortir de leur « zone de confort ». On peut attendre d’un roman qu’il nous détende, nous divertisse, nous fasse réfléchir, nous choque, nous surprenne, nous impressionne, nous apprenne des choses, nous fasse rire ou pleurer… Il en faut pour tous les goûts, et pour tous les moments d’une vie.
« Enseigner » n’est pas le mot que j’aurais choisi. J’avais plutôt envie de partager mes passions, de faire découvrir des choses peu connues et d’éveiller la curiosité des lecteurs. Il est vrai qu’on apprend beaucoup de choses en lisant Le Dé à coudre, mais je voulais que cela reste un roman divertissant. Les différentes références sont autant de « fusils de Tchekhov » disséminés dans mon roman : certaines informations historiques permettent par exemple de découvrir la véritable identité d’un célèbre méchant de la littérature et ses liens avec mes personnages…
À l’école, je détestais les mathématiques, mais j’en ai eu besoin pour expliquer certains éléments de mon intrigue et, en y revenant par ce biais-là, je me suis surpris à trouver cela passionnant. Tout devient plus intéressant quand les choses ont un sens, quand elles servent à décrypter des mystères insoupçonnés.
Je n’ai pas la prétention d’inculquer des savoirs, j’aimerais seulement entrouvrir quelques portes, donner envie aux lecteurs de les pousser et de découvrir les univers qui se cachent derrière. Quand les lecteurs me disent que mon roman leur a donné envie de lire ou relire tel ou tel autre roman, ou de visiter Londres (qui est presque un personnage à part entière), je me dis que j’ai réussi ma mission.
Votre roman évoque de très nombreux contes. Est-ce que vous avez voulu vous promener dans l’univers de votre enfance et nous y emmener ?
Même s’il parle (notamment) d’histoires pour enfants, Le Dé à coudre est bien un roman pour adultes (je le conseille d’ailleurs seulement à partir de quinze ans). J’aimerais préciser qu’il aborde davantage la littérature enfantine anglo-saxonne du tournant du XXe siècle (Peter Pan, Alice au pays des merveilles et Le Magicien d’Oz) que les contes traditionnels (Perrault, Grimm ou Andersen).
Comme la plupart des gens, j’ai d’abord découvert ces histoires à travers les films de Disney. Mais, en lisant l’œuvre originale quelques années plus tard, j’y ai trouvé des choses très différentes. Qui sait, par exemple, que Neverland (« le Pays imaginaire ») ne permet nullement à ses habitants d’arrêter de grandir ? La première phrase de Peter Pan est pourtant claire : « TOUS les enfants, SAUF UN, grandissent »… Les « Garçons perdus » grandissent, même sur cette île, et lorsque Peter les juge trop vieux, il les élimine !
J’ai donc voulu rendre à ces contes leur complexité, leurs nuances, leur profondeur.
Vous amenez vos lecteurs aux frontières floues entre fiction et réalité. Est-ce la zone privilégiée de la littérature ?
Vous me faites extrêmement plaisir en disant cela. Là aussi, c’est l’effet que je voulais produire avec mon roman. Encore une fois, je ne peux parler qu’en mon nom, mais c’est précisément ce que j’aime en littérature.
Au moment de choisir la catégorie dans laquelle je souhaitais faire concourir Le Dé à coudre, j’ai hésité entre la littérature blanche, la littérature noire et l’imaginaire. Je m’explique.
La littérature blanche raconte des histoires qui se passent dans notre monde. Elles ne sont pas (forcément) réelles mais, en principe, plausibles. Les éléments « bizarres » de mon roman étaient-ils trop importants pour cette catégorie ? Le soupçon de surnaturel pouvait-il être interprété de façon rationnelle ? L’intrigue du Dé à coudre sort cependant de l’ordinaire et la magie est bien présente.
Pour la littérature noire, c’est le terme « thriller » qui posait problème dans la description de la catégorie. Le Dé à coudre a été classé dans ce genre littéraire parce qu’il y a du suspense, une certaine tension narrative, mais beaucoup associent encore le thriller aux meurtres ou à une ambiance glauque, ce qui n’est pas le cas dans mon roman.
L’imaginaire, quant à lui, comporte aussi son lot d’idées fausses. Beaucoup confondent, par exemple, la fantasy et le fantastique. Le Dé à coudre était-il suffisamment irréel pour entrer dans cette catégorie ? La présence de nombreux éléments factuels plairait-elle aux lecteurs de SFFF ? Je me suis finalement dit que j’étais moi-même avant tout un lecteur d’imaginaire (et en particulier de fantastique), et c’est ce qui a guidé mon choix.
Si la frontière entre les genres est parfois mince, la frontière entre la fiction et la réalité l’est tout autant, dans certains romans. Je me suis beaucoup amusé à brouiller les pistes : je décris des choses incroyables mais bien réelles, et même le lecteur sceptique, à force de tout vérifier, commence à me faire confiance… à ses risques et périls ! Je le répète souvent : dans mon roman, tout est vrai, sauf l’histoire que j’ai inventée. Mais rassurez-vous : dans la postface du Dé à coudre, en cinq pages détaillées, je démêle le vrai du faux !
Pour rendre mes descriptions plus réalistes, j’ai visité tous les lieux européens du roman (pour les destinations plus lointaines – certaines scènes se passent notamment sur le continent américain – ou inaccessibles au public – l’île mystérieuse du roman –, je me suis servi de livres ou de Google Street View). Mon éditrice m’a d’ailleurs suggéré l’idée de créer un carnet de voyage pour accompagner Le Dé à coudre et guider les lecteurs à travers les lieux londoniens du roman. Il est sorti le même jour que le roman. Son titre : À la recherche du Dé à coudre.
Comment avez-vous rencontré votre éditrice ? Qu’apportent une éditrice et une maison d’édition par rapport à l’auto-édition ?
Je tenais absolument à être publié par une maison d’édition à compte d’éditeur. Je ne dénigre évidemment pas pour autant les auteurs qui choisissent – pour un tas de raisons tout aussi valables – l’auto-édition, les maisons d’édition à compte d’auteur ou les maisons d’édition participatives, mais ce choix personnel était très important pour moi. Le processus est plus long, mais je n’étais plus à quelques mois près…
D’une part, je considère que c’est un gage de qualité : si un professionnel du monde du livre est prêt à investir de l’argent dans la publication de mon roman, c’est qu’il croit en son potentiel. Je ne me serais personnellement pas senti légitime de proposer à des lecteurs un roman qui ne serait pas passé par toutes les étapes traversées par Le Dé à coudre.
D’autre part, je ne me sentais ni la capacité ni l’envie d’assumer les tâches qui sont normalement exécutées par plusieurs personnes : graphiste, éditeur, correcteur, imprimeur, diffuseur, distributeur, etc. Je préfère laisser à chaque métier son expertise.
J’ai connu les Éditions Panthère grâce à une publicité sur Facebook. Ce qui m’a immédiatement attiré, dans la description de cet éditeur, se résume en trois points : la qualité, l’exigence, et la priorité accordée au livre papier. J’ai ensuite découvert et apprécié leur transparence et la manière dont l’auteur est pleinement impliqué dans la création de son livre. J’ai notamment pu donner mon avis sur la couverture, dont je suis très fier.
Les Éditions Panthère sont une maison d’édition très jeune (2020) et à taille humaine, spécialisée dans le thriller et le drame psychologique. Il est parfois plus difficile de « jouer dans la cour des grands » dans ces conditions, mais l’équipe est dynamique et se donne les moyens de ses ambitions. Néanmoins, être édité dans une petite maison d’édition a aussi ses avantages : les auteurs ne sont pas des numéros, ils sont bien accompagnés, voire chouchoutés.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnu ?
Je participe au Prix des Auteurs inconnus, pardi !
J’essaie aussi d’être assez actif sur les réseaux sociaux (j’ai une page Facebook et un compte Instagram uniquement dédiés à mon activité d’auteur) et, grâce à ma maison d’édition qui m’y inscrit, je participe à un maximum de salons littéraires et de rencontres en librairie ou en bibliothèque.
Nous sollicitons également des journalistes de la presse écrite, de la radio et de la télévision, ainsi que des chroniqueurs de plates-formes en ligne.
Enfin, je demande à mes lecteurs de laisser leur avis sur des applications comme Babelio, Gleeph, Livraddict ou Booknode.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
J’ai déjà commencé l’écriture de mon deuxième roman. L’histoire va cette fois se dérouler en 1997, entre Bruxelles, Paris et Londres. Le côté fantastique sera encore plus marqué que dans Le Dé à coudre. Mais je ne veux pas en dire trop ! J’ai déjà toute l’histoire en tête, de A à Z. Il ne reste plus qu’à trouver du temps pour l’écrire…
J’ai aussi écrit une nouvelle que je soumettrai aux Éditions Panthère dans le cadre du concours organisé sur le thème du « meurtre au cinéma ». Les six textes sélectionnés paraîtront dans un recueil de nouvelles publié par la maison d’édition. N’hésitez pas à tenter votre chance : l’envoi des textes est possible jusqu’au vendredi 10 mai 2024 !
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