Interview : Apollonie Sbragia

Apollonie Sbragia est sélectionnée pour le Prix des Auteurs inconnus dans la catégorie Littérature noire.

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

J’ai connu le prix grâce à des blogueuses à qui j’avais envoyé La dernière morsure à sa sortie pour un service presse. L’ayant adoré, elles m’ont tout de suite conseillé de tenter ma chance. C’était tout début 2021 et il fallait patienter jusqu’à l’édition 2022. Je me suis abonnée au compte du prix et j’ai eu un an pour en suivre le déroulé de bout en bout. J’ai pu constater la qualité de l’organisation, l’implication des jurys et la visibilité offerte (même si elle peut se révéler à double tranchant…).

J’ai patiemment attendu l’ouverture des candidatures pour la nouvelle saison et quand j’ai appris que j’étais sélectionnée… Quelle joie ! Quelle fierté !

Et puis, est venue une certaine fébrilité teintée de doutes. J’avoue ne pas être totalement sereine quand je sais que mon roman va être jugé !

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de La dernière morsure, son livre en lice !

La dernière morsure est votre premier roman. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des bribes d’histoires qui me « venaient », je les notais par-ci par-là dans des carnets sans pour autant ne jamais chercher à les façonner ou à les développer. Et quand l’envie a commencé à me tarauder d’exploiter cette matière, entre ma vie professionnelle et ma vie de maman, cette petite flamme à l’intérieur n’a pas vraiment réussi à s’épanouir. Il m’a fallu attendre un concours de circonstances heureux : en 2016, je reçois un email de mon employeur offrant la possibilité de prendre jusqu’à 3 mois de congé partiellement rémunéré, j’ai appuyé sur le bouton… pendant les 3 mois qui ont suivi, j’ai écrit chaque jour… et de là est né La Dernière morsure (du moins une bonne partie…).

 

Vous entrez en littérature sur un roman tellement noir qu’on a du mal à vous imaginer dans un autre genre. Est-ce que cela correspond à vos goûts de lectrice ? Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?

Paradoxalement, je lis peu de thriller ou de polar, je suis très littérature classique et théâtre. Mes influences dans ce genre me viennent plus du cinéma : Dernier domicile connu de José Giovanni, Manhunter de Michael Mann, Seven de David Fincher ou encore Prisoners de Denis Villeneuve. Cela dit, en littérature noire, j’adore Fred Vargas car au-delà de l’originalité de ses histoires, elle a hissé la littérature noire à un niveau littéraire exceptionnel : érudition, humour, un style merveilleux teinté souvent de poésie et toujours d’humanité. Je pourrais citer également dans la même veine Sandrine Collette.

 

Parlez-nous de votre processus d’écriture. Etes-vous une autrice architecte qui planifie tout, ou une autrice jardinière qui se laisse surprendre par sa propre histoire ?

Je planifie beaucoup avant de démarrer l’écriture. J’utilise Trello pour organiser mon travail, dégrossir ma trame, noter les idées principales, les scènes, un premier découpage en chapitre, les recherches à effectuer, les points de friction de mon histoire à résoudre. Pendant l’écriture, tout peut arriver, car l’inspiration du moment peut faire voler en éclats une trame bien déterminée et là… c’est le drame… il faut tout repenser. On pourrait se demander pourquoi ne pas réécrire une scène pour rester dans le canevas initial ? J’ai l’intime conviction que ce que l’inspiration « commande » est ce qui est juste. Un personnage a beau avoir été développé en amont, c’est dans l’écriture qu’il prend vie… et possession de son créateur… comme par un phénomène de capillarité… Ce qui se révèle très éprouvant notamment lorsqu’il faut se glisser dans la peau d’un psychopathe : certaines scènes deviennent très pénibles voire impossible à écrire. Ce qui m’est arrivé avec La dernière morsure, j’ai dû changer le point de vue narratif d’une scène en particulier pour que cela devienne plus supportable.

 

Le papier et le crayon ont-ils encore une place dans votre travail ?

Très peu, même s’il m’arrive parfois de prendre une feuille de papier pour « mettre à plat » une trame. Je note mes idées sur mon téléphone, elles sont directement accessibles ensuite sur mon ordinateur. Je n’ai plus qu’un carnet, celui de ma table de chevet parce que le téléphone est interdit dans la chambre !

 

Poussons la curiosité encore plus loin… Avez-vous une playlist dédiée à l’écriture ?

Oui, mais je ne peux pas écouter de chansons françaises, ça perturbe ma concentration ! En ce moment, j’écoute la playlist « Electro Chill » d’une plateforme de streaming musical bien connue 🙂.

Parlez-nous de La dernière morsure. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?

Je ne saurais pas vraiment l’expliquer, c’est très flou pour moi. Des scènes fortes ont jailli, comme celle de la découverte du corps au bord du lac ou celle de la cave. J’avais surtout les personnages en tête et leurs relations : Alex et Giancarlo… Michel… J’ai ensuite construit tout une histoire autour de ces fragments pour les amener « à la vie ». Je les ai nourris de beaucoup de choses : il était important pour moi d’avoir un personnage féminin fort mais avec ses propres fêlures. De parler de l’amitié ou des liens particuliers qui peuvent unir deux personnes, de leurs forces comme de leurs fragilités lorsqu’on est poussé dans ses derniers retranchements. Je tenais à exploiter également les zones grises qui sont le propre de la nature humaine lorsqu’on est confronté à ce qu’il y a de plus terrible. Enfin, je souhaitais que la résolution de l’intrigue ne soit pas qu’une question de logique ou l’assemblage méthodique d’un puzzle, mais y incorporer encore une fois la dimension humaine et cette capacité à percevoir et à pressentir certaines choses pour faire surgir les indices.

Votre roman est tout autant une enquête policière qu’un cheminement après un traumatisme. Avez-vous un intérêt particulier pour la psychologie ?

Absolument, j’ai toujours été passionnée par la psychologie et ça me touche beaucoup lorsqu’on le souligne. J’ai même suivi pendant un temps des cours par correspondance. Et puis je suis tombée enceinte de mon premier enfant et je suis passée à une tout autre aventure 🙂.

 

Votre roman est aussi un véritable polar très bien documenté sur le fonctionnement interne de la police. Avez-vous fait des recherches sur ce sujet ?

Oui énormément, j’ai lu beaucoup, que ce soient des livres spécialisés ou sur internet. J’ai visionné pas mal de reportages également. Mon souci était de respecter les codes sans pour autant noyer ou ralentir l’histoire par un excès de réalisme et de procédures judiciaires… j’ai donc pris aussi beaucoup de libertés.

 

Au-delà de l’histoire, c’est toute l’atmosphère du roman qui est sombre. Est-ce une manière d’emmener le lecteur loin de son quotidien pour qu’il le retrouve avec soulagement, ou une mise en garde contre un monde dangereux ?

Je crois que c’est Bernard Minier qui a dit que pour écrire un bon thriller, il faut s’inspirer de ses plus grandes peurs… Ce qui m’intéresse c’est de bousculer mes personnages, de les éprouver, à la fois en tant qu’individus mais aussi dans leur relation avec les autres. Les personnages constituent une constellation, les évènements une comète qui la traverse comme une boule dans un jeu de quilles et le roman raconte comment cette constellation se distend, menace de rompre, explose au paroxysme, et enfin, se transforme pour revenir à un nouvel l’équilibre.

Illustration de l'écriture d'un livre

Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

J’ai choisi l’autoédition pour publier vite car il y avait beaucoup d’attentes autour de moi, et je savais que se faire publier par une maison d’édition (ME) était un processus très long, d’autant plus long avec la crise sanitaire. Aujourd’hui, cela me semble une évidence, l’autoédition me donne un espace formidable de liberté et l’écriture reste un moment de plaisir sans objectif ni contrainte.

L’autoédition demande beaucoup de travail et de temps – notamment pour la promotion. Je regrette aussi la mauvaise image dont on souffre et notamment auprès des médias, des libraires (ou certains salons) en général chez qui il est difficile de se faire une place, même si bien évidemment, il y a des exceptions.

 

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

J’essaie de maintenir une présence sur les réseaux sociaux, de participer à des prix qui offrent une formidable vitrine. À la sortie de La dernière morsure, j’ai beaucoup utilisé les Services Presse et les campagnes marketing. La partie promotion est intéressante mais très énergivore donc cyclique quand on a une vie professionnelle autre que celle d’auteure.

 

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

Je suis actuellement en train d’écrire la suite de La dernière morsure. J’ai aussi une idée de roman postapocalyptique pour le troisième. Mon grand rêve est d’écrire un roman historique sur l’empire napoléonien et en particulier sur la vie du maréchal Lannes.

 

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