Typhanie Moiny est sélectionnée pour le Prix des Auteurs inconnus dans la catégorie Littérature blanche.
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
Avant la publication de mon premier roman en auto-édition, j’ai rejoint Instagram pour y partager mon parcours, et c’est là-bas que j’ai découvert le Prix. J’ai candidaté une première fois avec Là où l’herbe est plus verte, mon premier roman, puis avec Elle a tes yeux, mon amour cette année.
J’ai été très émue d’apprendre ma sélection : pour moi, ce prix est un moyen de faire parler de nos livres et surtout de prouver que l’auto-édition, c’est plein de pépites à découvrir.
C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Elle a tes yeux, mon amour, son livre en lice !
Elle a tes yeux, mon amour, est votre deuxième roman, publié un an après le premier. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Je n’ai pas eu vraiment le choix, l’écriture de mon premier roman a répondu à un besoin profond, et a réparé beaucoup de blessures, plus ou moins anciennes. Ce livre est né sans que ce soit vraiment un but. J’écrivais pour moi, par égoïsme, ce n’est qu’aux trois-quarts du premier jet que j’ai réalisé ce que j’étais en train d’accomplir : j’allais bientôt pouvoir déclarer fièrement que j’avais écrit un roman.
Dès le collège, j’écrivais beaucoup : des poèmes, des courtes histoires, puis des chansons pendant longtemps. J’ai grandi avec cette phrase toujours dans un coin de ma tête « un jour, je deviendrai écrivain », mais sans y croire, persuadée que ça ne resterait qu’un rêve trop difficile à réaliser…
Vous avez fait des études de lettres. Est-ce que vous le vivez comme un atout pour écrire de la fiction ?
Oui, je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais clairement. En LLCE (Langues, Littératures et Civilisations Étrangères et régionales), nous étudions des classiques de la littérature anglaise, et j’aimais beaucoup cet exercice : tout décortiquer, chercher des indices cachés, découvrir l’importance de certains mots pour créer une ambiance etc. Je fais pareil en regardant des films, j’analyse tout et découvre souvent la fin bien en avance. ^^
Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?
Dans la plume, et les émotions, je me sens proche de Virginie Grimaldi lorsque je lis ses mots. Je suis très touchée par la manière dont elle décrit les émotions de ses personnages. Par contre, sacrilège… Je n’ai découvert son travail qu’après la publication de mon premier roman… Avant, je lisais que de l’anglais : Sophie Kinsella, Jenny Kolgan principalement et plein d’auteurs inconnus dont j’achetais les livres dans des « charity shops » en Irlande.
Parlez-nous de votre processus d’écriture. Etes-vous une autrice architecte qui planifie tout, ou une autrice jardinière qui se laisse surprendre par sa propre histoire ?
Jardinière à fond ! J’en avais même honte au début. De l’extérieur, j’avais peur que ça représente un manque de sérieux, de travail, de cohérence… Puis, j’ai pris confiance en moi, et je me dis que mon cerveau fonctionne comme ça et fonctionne très bien ainsi ! Même sans plan, il sait ce qui fonctionne ou non, il trouve une suite logique aux actions sans même les prévoir. Bref, lui et moi, on fait du bon boulot, et moi ça me permet d’avoir ce plaisir de la découverte comme si j’étais lectrice de l’histoire que je suis en train de créer. C’est magique.
Le papier et le crayon ont-ils encore une place dans votre travail ?
Une toute petite place lors de l’écriture, je passe au papier en cas de blocage (voire à l’audio en marchant), mais une grosse place lors de la relecture et réécriture ! Je fais mes relectures en notant toutes mes interrogations et les modifications dans un carnet, une fois le roman lu plusieurs fois, je réécris sur l’ordinateur en suivant mon carnet, j’adore y rayer les choses à retravailler au fur et à mesure pour voir la progression.
Poussons la curiosité encore plus loin… Avez-vous une playlist dédiée à l’écriture ?
Pas qu’une ! J’ai plusieurs playlists, je ne les utilise pas suivant l’ambiance du roman, mais suivant mes difficultés à écrire ! ^^ Si j’ai besoin de beaucoup de concentration (parce que je suis fatiguée ou ai du mal à me mettre dans ma bulle), j’ai une playlist de reprises de chansons pop au piano, je ne suis ainsi pas dérangée par les mots des autres. Si je suis bien dedans, j’écoute de la pop assez douce que je peux fredonner, et si j’ai besoin d’aller puiser davantage dans mes émotions, j’ai une playlist de chansons de Glen Hansard (chanteur irlandais que j’adore) et dont les notes me rendent nostalgique.
Parlez-nous de Elle a tes yeux, mon amour. C’est un roman qui aborde des thèmes douloureux. Comment vous est venue l’idée de l’écrire, vous êtes-vous inspirée d’une histoire vraie ?
Mes romans partent (et partiront toujours, j’ai l’impression) d’un point dans la réalité : une peur, un traumatisme, une croyance, une expérience, et l’écriture m’aide à mieux comprendre, à mieux me comprendre. Pour Elle a tes yeux, mon amour, je connais la différence d’âge dans le couple, je connais la peur de perdre l’autre, je connais le deuil, le désir de construire, j’ai tout mélangé et j’ai créé des personnages avec des vies qui sauraient représenter tout ça et communiquer une certaine réalité aux lecteurs.
Avez-vous écrit cette histoire pour aider vos lecteurs qui traverseraient le même drame ?
Quand je crée un personnage, une histoire, c’est pour moi que je le fais, honnêtement. Pour guérir, ou pour vivre autre chose, mais, comme avec mes chansons, j’ai appris que plus on s’écoutait, plus on parlait de nous, notre passé, nos valeurs, nos peurs, nos différences, plus ça parlait aux autres. Alors, je ne me gêne pas pour le faire, et en effet, la récompense est là : ces mots qui étaient seulement destinés à guérir mes maux, en aident d’autres ! Il n’y a rien de plus touchant que ça dans l’écriture.
Votre roman se passe dans une région et des lieux dans laquelle des lecteurs se reconnaissent. Entre terre et mer, le Cotentin est un lieu qui symbolise le départ – à moins que ce ne soit juste une région chère à votre cœur ?
Le Cotentin, c’est là où j’habite depuis quelques années, c’est ce petit bout de France qui me rappelle l’Irlande, (et dont on peut partir pour y aller, effectivement). C’est une terre qui mélange de nombreux paysages en si peu de kilomètres. Je voulais lui rendre hommage à elle qui m’a accueilli à bras ouverts. Et pour la sortie de mon premier roman, les libraires du coin, les commerçants, les lecteurs ont été d’un soutien incroyable ! C’est aussi ma façon de les remercier.
Pourquoi était-ce important pour vous de mettre en scène plusieurs générations dans ce que leurs rapports ont de conflictuels (Amandine et Mathilde) ou complémentaires (Amandine et Cédric) ?
Je crois que je suis née pour décrire des relations compliquées et conflictuelles… ^^ Il faut dire que je m’y connais et ce depuis l’enfance, je me suis construite dans les incompréhensions et les difficultés. Je sais à quel point l’être humain est compliqué, déjà seul avec lui-même, alors lorsqu’il interagit avec quelqu’un de différent, ou d’une autre génération, n’en parlons pas ! Mais c’est justement dans ces moments qu’on apprend, qu’on grandit, qu’on ouvre notre esprit. Il est important de toujours se remettre en question, et de tenter de se mettre dans les chaussures des autres, c’est ce que j’essaie de communiquer au travers de ces échanges intergénérationnels.
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Je suis une grande impatiente, et l’auto-édition a répondu à ce besoin de partager mes mots rapidement ! Je crois que j’avais besoin que mon entourage fasse vraiment connaissance avec moi-même. J’ai publié Là où l’herbe est plus verte comme un cri pour affirmer ma vérité, assumer mes défauts, prouver que je pouvais le faire aussi. En chemin, j’ai construit une communauté (que j’ai malheureusement un peu abandonnée depuis…) et j’ai rencontré tellement de monde : auteurs, lecteurs, chroniqueurs (et tout au féminin aussi) ! Et ce soutien, ce lien, est vraiment fort dans le monde de l’auto-édition ! C’est inexplicable, mais je ne regretterai jamais mon passage en auto-édition, d’autant plus qu’il va me permettre d’accéder à une publication chez L’Archipel en 2023.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
J’ai eu une longue période durant laquelle je faisais tout ce que je pouvais ! Je me donnais à fond dans la communication sur les réseaux ! J’étais présente pour tous ceux qui en avaient besoin, j’acceptais toutes les opportunités, j’enchaînais les salons, les dédicaces, les lives etc. Tout le monde était impressionné par cette grande bosseuse qui réussissait à monter vite ! Mais, je me suis épuisée… C’était bien trop ! D’où mes difficultés à revenir désormais.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Plusieurs ! J’ai un livre jeunesse qui me tient à cœur, fini depuis plus d’un an, mais que je n’ai pas le temps de lancer comme il se doit pour le moment. Et j’ai deux romans en cours d’écriture : un que j’écris avec plein de doutes, pas certain qu’il devienne quoi que ce soit un jour, mais il me permet de retourner en Irlande via l’écriture une nouvelle fois. Et le second, qui n’en est qu’à une quinzaine de milliers de mots, mais dont je vois déjà le potentiel.
Réédition
Le roman de Typhanie Moiny est dorénavant publié par les Éditions de l'Archipel.