A.D. Martel est sélectionnée pour le Prix des Auteurs inconnus dans la catégorie Imaginaire
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai découvert le PAI par hasard sur les réseaux, quand j’ai commencé à publier. J’étais alors très heureuse de découvrir qu’un prix existait pour les jeunes auteurs, sans faire de distinction entre édition traditionnelle et autoédition.
Quand j’ai appris qu’un de mes romans avait été sélectionné, j’ai sauté de joie !
C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Les perles de l’Enéark, son livre en lice !
Vous écrivez depuis peu de temps, mais êtes déjà l’autrice de plusieurs livres et même, de plusieurs séries. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
Enfant, je dévalisais la bibliothèque municipale et lisais tout ce qui me passait sous la main. L’écriture est venue tout naturellement, à travers le besoin de raconter mes propres histoires. Et puis, la vie « adulte » m’a rattrapée, et le temps m’a manqué. Jusqu’à ce que je décide de revenir à mon premier amour.
Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?
Elles sont multiples : des scènes de la vie quotidienne, des conversations anodines, ou encore des séries ou des films visionnés. Un auteur qui m’amuse beaucoup est Roald Dahl, j’aime sa simplicité et son imagination. Dans mes auteurs préférés figurent aussi Robin Hobb, avec son incontournable saga L’Assassin Royal.
Parlez-nous de votre processus d’écriture. Etes-vous une autrice architecte qui planifie tout, ou une autrice jardinière qui se laisse surprendre par sa propre histoire ?
Un peu des deux : j’aime avoir une trame, mais je laisse les personnages en dévier s’ils le désirent. Le plus important pour moi, avant de commencer un roman, est de maîtriser les protagonistes sur le bout des doigts. Après, c’est à eux de jouer et je fais face à de fameuses surprises (quand je dis à mes lecteurs que ce sont les personnages qui se tuent tout seuls, il y a une part de vérité !)
Le papier et le crayon ont-ils encore une place dans votre travail ?
Tout à fait. Pour les premières idées, les premières trames.
Poussons la curiosité encore plus loin… Avez-vous une playlist dédiée à l’écriture ?
Bien entendu ! Et elle varie pour chaque histoire : de la musique épique accompagne l’écriture de la fantasy, des chansons plus modernes les comédies romantiques… Pour mon tout dernier, il s’agissait de Pop japonaise.
Parlez-nous de Les perles de l’Enéark et de la série dans laquelle il s’insère. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?
Les Perles de l’Enéark est une histoire annexe aux Larmes de Saël. Elle permet de révéler les secrets de certains personnages, et de prendre à revers le point de vue de la trilogie, en allant du côté de ceux qu’on pourrait voir initialement comme « les méchants ». Je n’aime pas les récits manichéens. Tout n’est pas blanc ou noir, et avec cette histoire, le lecteur peut lui-même se faire un avis sur « l’autre côté ».
Pourquoi un tome 1.5, et notamment, pourquoi orienter votre tome 1.5 sur le sujet de la sexualité dans ce monde, plutôt que sur un autre pan de l’univers ?
Un tome 1.5 car toute la complexité de l’histoire n’apparaît vraiment qu’une fois le premier tome lu. Il ne s’agit pas d’une histoire sur la sexualité, mais bien sur le fonctionnement d’une autre société que la nôtre. C’est peut-être ça qui a dérouté, car les codes sont différents. Elle explique comment une société matriarcale où les hommes sont rares, parvient à survivre. Elle offre un autre point de vue, intérieur à l’Enéark (cette sorte de harem d’hommes), inexistant dans les deux premiers tomes de Saël.
Votre série est fantastique, mais Les perles de l’Enéark est aussi une romance, tout en basculant dans des scènes violentes contre lesquelles vous avertissez le jeune public. Vous qualifiez d’ailleurs votre livre de « dystopie post-apocalyptique sur fond de romance ». Avez-vous dépassé les frontières entre les genres pour écrire le livre que vous auriez aimé lire ?
Je n’aime pas le cloisonnement des genres, c’est un peu un de mes chevaux de bataille. Quand un lecteur ouvre un de mes romans, il ignore à quoi s’attendre. J’aime jouer entre les genres et casser les clichés. Pour donner un autre exemple, j’écris des comédies romantiques. Dans Je vais buter mon boss, le lecteur s’attend généralement à une romance de bureau traditionnelle. Or, il n’y a rien de plus faux : je détourne les clichés de la romance pour mieux faire rire et y ajoute du suspens et des rebondissements.
Vous êtes une historienne qui écrit sur le futur. Est-ce une manière de chercher comment ne pas répéter les erreurs du passé ?
Je ne me lancerai pas sur le sujet de répéter ou non les erreurs du passé, les historiens se querellent déjà bien assez sur le sujet 😉. Néanmoins, je peux dire que chacun de mes récits est engagé. Dans l’univers de Saël, il y a des messages sociétaux et politiques importants sur notre présent. J’essaie d’ouvrir les yeux aux lecteurs, de les faire réfléchir, en leur présentant toujours plusieurs points de vue (il ne s’agit pas de moraliser). Le leitmotiv de cette saga est d’ailleurs : « Un grain de sable peut changer le désert. Soyez ce grain de sable ».
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Je souhaitais abandonner mon job pour écrire à plein temps. Malheureusement, cela était impossible avec l’édition traditionnelle (NB : droits d’auteur de 6 à 15% contre 70% en autoédition selon le choix de la plateforme de diffusion). J’ai donc préparé le terrain et opté pour l’autoédition. L’avantage est de maîtriser de A à Z la chaîne du livre. J’ai passé du temps à observer ce qui se faisait autour de moi, ai suivi de manière libre des cours de master en édition, suivi des formations d’outils qui me seraient utiles (In Design pour la mise en page du roman ; Amazon Advertising pour la publicité…) ainsi que de gestion d’entreprise et de marketing via des organismes de ma région. J’ai également dû apprendre à utiliser les réseaux sociaux (avant de devenir auteur, je ne possédais même pas un profil Facebook).
En définitive, j’ai dû m’armer de courage et ne pas céder au découragement. Au bout d’un an, ça a payé et je vis désormais de ma plume. Bien sûr, il y a aussi des inconvénients : en plus d’être autrice, je me dois d’être éditrice, marketeuse et de gérer toute ma communication. Ce n’est pas un boulot pépère où je rentre le soir tranquillement chez moi. Il m’arrive souvent de travailler 50h par semaine.
Vous avez participé à des recueils de nouvelles collectifs et édités en maison d’édition. Est-ce que cela vous ouvre des portes ?
J’ai commencé à écrire des nouvelles pour connaître l’avis de maisons d’édition sur ma plume. J’ai eu l’agréable surprise de voir mes textes sélectionnés à plusieurs reprises. Il peut s’agir d’une porte d’entrée, mais ce n’était pas mon souhait. Mon objectif n’est pas de publier à tout prix dans une maison d’édition. J’aime l’autoédition et sa liberté. Ce qui ne m’empêche pas de tenter certaines expériences, comme avec Scrinéo (côté imaginaire avec De Rouages et de Sang) et J’ai lu (comédie romantique, avec Je vais buter mon boss) cette année. Les premiers contacts ont été différents des deux côtés : pour le premier, j’avais soumis un manuscrit à la suite d’un speed dating des Imaginales (je n’avais alors pas encore publié en autoédition), et le second est venu me chercher pour un rachat de droits. L’édition traditionnelle, en plus de permettre d’atteindre un autre public, ouvre des portes malheureusement fermées aux autoédités : l’accès à des prix littéraires, la présence sur certains gros salons, ou tout bêtement la possibilité de participer à des programmes d’écriture avec les écoles ou les bibliothèques.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
Je travaille ma communication digitale, et tente de me déplacer un peu partout en France et en Belgique.
Avez-vous d’autres livres en tête, un autre projet d’écriture ?
La saga des Larmes de Saël est bien finie. D’ailleurs, pour répondre à la demande des lecteurs, je viens de faire imprimer une intégrale reliée avec dorures et illustrations. Pour le moment je ne songe pas à une suite, mais je ne me ferme jamais aucune porte. En attendant, je finis d’écrire les séries que j’ai promises (une promesse envers un lecteur est sacrée !), et commence à réfléchir à de nouveaux univers. Tout est possible. Et je peux vous assurer que l’imagination est au rendez-vous 😉.