Interview : Wilhelmina Wilder

Wilhelmina Wilder est sélectionnée pour le Prix des Auteurs inconnus dans la catégorie Imaginaire.

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

J’ai découvert le Prix des Auteurs Inconnus par Instagram, en lisant par hasard un post du compte officiel. J’ai vu là une excellente opportunité de faire connaître mon travail et de gagner en visibilité, ce qui est essentiel pour un auteur auto-édité, surtout pour un premier roman.

 

J’ai donc tenté ma chance, et quelques mois plus tard, j’ai eu le plaisir d’apprendre que je faisais partie des auteurs sélectionnés.

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de La rose des Carcasses, son livre en lice !

Vous êtes enseignante, dans une discipline littéraire. Est-ce que vous le vivez comme un atout pour écrire de la fiction ?

Il s’agit sans conteste d’un atout et d’un enrichissement, dans la mesure où le travail que je mène en tant que professeur d’anglais m’astreint non seulement à une certaine rigueur intellectuelle, mais me permet aussi d’acquérir des connaissances qui nourrissent directement mon travail d’écrivain. Au-delà de ces considérations pratiques, il me semble qu’il existe une corrélation entre le fait de raconter une histoire et de transmettre un savoir ; dans les deux cas, on donne une partie de soi-même à un lecteur, ou un auditeur, que l’on cherche à éclairer, ou à émouvoir. Je considère en somme que mon métier d’enseignante et mon métier d’auteur sont complémentaires, et tout aussi gratifiants l’un que l’autre.

 

La rose des Carcasses est votre premier roman. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

J’ai commencé à écrire de la fiction lorsque j’étais enfant, inspirée par les histoires que je lisais avec passion. Les romans de Roald Dahl, la saga Harry Potter et la trilogie de Philip Pullman m’ont marquée à un très jeune âge. À onze ans, ma rencontre avec l’œuvre de Tolkien a été déterminante, en développant mon goût pour les œuvres de fantasy épiques. Quant à mon amour pour la belle langue, il m’est certainement venu de mes lectures romanesques et poétiques : Baudelaire, Mallarmé, Verlaine, Huysmans, Murasaki Shikibu et Matsuo Basho, Mishima, Kawabata, pour n’en citer que quelques-uns. Si j’ai consacré l’essentiel de mon adolescence à écrire de la poésie classique, je suis revenue à la prose à mes dix-huit ans, lorsque j’ai décidé de me consacrer à ma vocation.

 

Avez-vous puisé de l’inspiration dans la littérature victorienne, dont vous dites qu’elle vous passionne ?

Bien sûr ! Cette période de l’histoire littéraire britannique est pour moi l’une des plus prolifiques. J’avoue bien volontiers ma dette envers Oscar Wilde, l’un de mes auteurs favoris ; sans oublier les sœurs Brontë, Bram Stoker, Rossetti et Yeats. De manière générale, je suis une lectrice friande d’œuvres gothiques et romantiques, dont la noirceur, la sensualité et la violence dramatique me séduisent tout particulièrement.

 

Parlez-nous de votre processus d’écriture. Etes-vous une autrice architecte qui planifie tout, ou une autrice jardinière qui se laisse surprendre par sa propre histoire ?

Étrangement, je suis les deux à la fois. Je passe habituellement un temps considérable à forger des univers fictifs cohérents et crédibles, à partir de références soigneusement sélectionnées et agencées avec minutie, ainsi que les tesselles d’une mosaïque. J’ai toujours une idée en amont, mûrement réfléchie pendant des mois, voire des années. Malgré cela, il arrive souvent que l’histoire évolue radicalement sous l’impulsion de mes personnages, qui ne sont pas de simples fonctions narratives, ni des marionnettes que je manipule à ma guise, mais des entités organiques, individuelles, qui vivent leurs aventures comme elles l’entendent. Si ces personnages n’ont pas envie d’aller dans la direction que je leur indique, ils se cabreront comme un cheval rétif et s’en iront galoper joyeusement sur une autre voie. Mon travail consiste donc à ménager un équilibre délicat, souvent précaire, entre la planification raisonnée et les élans effervescents, imprévisibles, de la création.

 

Le papier et le crayon ont-ils encore une place dans votre travail ?

Ils ont même une place essentielle, puisque tout mon travail préparatoire se fait exclusivement sur papier. La conception des personnages, la gestation de l’univers et des points essentiels de l’intrigue, tout cela est griffonné sur un carnet. En revanche, je tape toujours mes textes à l’ordinateur, d’abord parce que mon perfectionnisme maladif m’oblige à réécrire vingt-cinq fois la même phrase avant d’être pleinement satisfaite ; ensuite, par commodité, car j’ai besoin d’un accès rapide à ma batterie de dictionnaires que je consulte à peu près dix fois par minute.

 

Poussons la curiosité encore plus loin… Avez-vous une playlist dédiée à l’écriture ?

La musique fait partie intégrante de mon processus de création. De fait, mes personnages naissent en musique, tout comme les scènes les plus marquantes de chacune de mes histoires, que j’imagine comme un film. J’ai toutefois la fâcheuse manie d’être distraite par les paroles des chansons que j’écoute ; aussi, j’ai tendance à privilégier, pour la rédaction de mes chapitres, un fond sonore apaisant et répétitif : du lo-fi, par exemple, ou du bruit blanc.

Parlez-nous de La rose des Carcasses. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?

J’aurais bien du mal à citer une source spécifique, mais cette idée a certainement germé de mon amour inconditionnel pour l’art, en particulier l’art britannique du dix-neuvième siècle ; celui des préraphaélites, mais aussi des œuvres littéraires comme Le Portrait de Dorian Gray, qui m’a fortement influencée en me donnant envie d’écrire un roman sur ce thème.

Pour reprendre les termes de votre propre quatrième de couverture, comment le sublime peut-il être horrifique ?

Par sa nature même, le sublime est une forme de transgression par l’excès, d’élévation par le grandiose, susceptible de provoquer la stupeur, et même un certain effroi. En commettant des crimes qui reposent sur une mise en scène « esthétique », le principal antagoniste du roman incarne cette idée que l’horreur de la mort, la violence et la cruauté, principes destructeurs, ne sont pas foncièrement incompatibles avec la grandeur de la création artistique, qui requiert elle-même de terribles sacrifices. La figure de l’artiste est donc étroitement liée à celle de l’assassin, puisque l’un donne la vie, et l’autre la retire.

 

Vous utilisez un langage très particulier et recherché. Est-ce aussi ce que vous aimez en tant que lectrice ? Quel effet cherchez-vous à produire ?

Le style d’écriture de ce roman, dont la richesse m’a parfois été reprochée (ce que je peux comprendre, étant donné le caractère désuet de certains termes) s’inspire de la littérature décadente, symboliste et fin de siècle, dans la lignée d’un À rebours ou d’un Monsieur de Phocas. Je l’ai conçu comme une forme d’hommage à des œuvres que j’apprécie moi-même, en tant que lectrice. Il y a dans ce choix stylistique un souci d’immersion et de cohérence historique, d’abord ; ensuite, une volonté d’exhumer les mots rares, précieux et oubliés de la langue française, afin de leur donner une vie nouvelle. À noter que je n’écris pas systématiquement dans un style très orné, car j’ai pour habitude d’adapter la langue que j’emploie au contexte de mes récits.

 

Les lecteurs ont la surprise de découvrir que cette ambiance sombre et ce vocabulaire choisi ne sont pas incompatibles avec une dose d’humour. Avez-vous voulu désamorcer la tension ?

C’est précisément l’effet que je cherchais à produire, oui. Sans le recours à l’ironie et au comique, le récit aurait pu être étouffant et lassant à la longue. D’ailleurs, l’humour, surtout l’humour noir, est une composante primordiale de tous mes romans, pas seulement celui-ci. Je suis moi-même quelqu’un de sarcastique et volontiers cynique, un trait qui se retrouve dans la personnalité de mes protagonistes : Melmoth en est un parfait exemple.

Illustration de l'écriture d'un livre

Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

En toute franchise, j’ai décidé d’auto-éditer cet ouvrage sur un coup de tête. Je me sentais prête à franchir le pas en publiant l’un de mes livres, mais je n’avais aucune envie de subir les inévitables refus et silences des éditeurs traditionnels, peu nombreux du reste, auxquels j’aurais pu proposer ce roman assez atypique. Le grand avantage a été de pouvoir intervenir à chacune des étapes de la création du livre, réalisé par des professionnels, et donc de me sentir véritablement maîtresse de mon projet du début à la fin. Le principal inconvénient, et il est de taille, c’est qu’il est nécessaire d’assurer soi-même la promotion de son roman et la communication via les réseaux sociaux, ce qui peut s’avérer difficile pour un auteur débutant.

 

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

Comme je suis plutôt allergique aux réseaux sociaux, je m’efforce de participer à des prix littéraires pour gagner en visibilité : cette année, j’ai été finaliste du Prix des Étoiles de Librinova et du Prix des Chroniqueurs de l’Auto-édition, avant d’être sélectionnée pour le PAI. J’ai également fait appel aux services d’une agence de communication spécialisée dans la promotion littéraire, qui m’a mise en contact avec des blogueurs et des chroniqueurs sur Instagram. Ceux-ci ont accepté de lire mon livre et de le chroniquer, ce qui m’a permis de toucher un public un peu plus large.

 

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ? Notamment, pensez-vous à une suite pour La Rose des Carcasses, basée par exemple sur une autre enquête ?

J’ai plusieurs projets en cours de développement, certains dans une veine historique, d’autres dans un style contemporain. Je viens de terminer un roman fantastique qui se situe dans le Japon du XIXe siècle, et que j’espère publier l’année prochaine. Quant à La Rose des Carcasses, il aura bel et bien une suite, dont l’intrigue se déroulera dix ans après celle du premier tome. Adrian, Edgar et Melmoth devront à nouveau affronter les forces occultes, cette fois dans le Paris de la Belle Époque.

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