Interview : Marie Compagne

Marie Compagne est en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus, dans la catégorie « littérature noire ». Sa réaction quand elle a su qu’elle était sélectionnée pour le Prix :
Portrait de la romancière : Marie Compagne

Un auteur pourrait-il vous répondre qu’il a été déçu et malheureux de voir son roman retenu pour un prix ? 😉 J’ai été surprise, ravie et fière. Curieuse, aussi, de découvrir les autres livres en lice. Et pour ce que j’ai déjà pu en lire, je ne suis pas mécontente que La mémoire dans le sang ait su donner à l’équipe du PAI l’envie de l’intégrer à la sélection. Parce que c’est du bon. 😊

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de La mémoire dans le sang, son livre en lice !

Vous avez un parcours déjà varié dans la littérature puisque vous êtes biographe, romancière et correctrice. Vous écrivez des récits de vie, et avez déjà publié plusieurs livres de fiction. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

De façon naturelle. C’est un peu comme si j’étais née avec le goût des mots. J’exagère à peine. La lecture a été un refuge instinctif et un besoin. J’ai aimé apprivoiser les mots, les goûter, les entendre sonner puis m’en saisir. J’ai d’ailleurs écrit énormément de poèmes. Le jeu des sonorités allié à celui des sens qui se tournent et se détournent, c’est quelque chose qui m’a très tôt émerveillée et que je garde toujours en moi. Et je crois que ça se sent dans mes romans. Il n’est pas rare que j’y glisse quelques rimes, d’ailleurs. Mais rien qui soit de nature, je pense, à effrayer les allergiques ! La littérature, pour moi, c’est ce qui me relie au monde. Dieu sait, sinon, où je serais aujourd’hui ! 

Est-ce que vous vivez votre métier comme un atout pour écrire de la fiction ?

Un atout, je ne sais pas. Peut-être. Le fait d’avoir beaucoup écrit pour les autres m’a probablement aidée à faire évoluer mon style, ce qui n’est jamais mauvais. Étant plus jeune, férue de littérature du 19ème, j’avais tendance à user de formules un peu alambiquées : « Laissez donc les longues phrases à Proust ! » s’était un jour amusée une de mes profs de français. Lire du contemporain et écrire pour d’autres que moi a simplifié mon style. C’est venu assez instinctivement. Et avec le recul des années, je me dis qu’on peut vraiment toujours s’améliorer !

Pour le reste, je ne pense pas m’être jamais inspirée des histoires de mes « clients » pour mes romans. Pourtant, en tant que biographe, je crois pouvoir dire que j’ai rencontré de vrais personnages ! De l’escroc phallocrate et globe-trotter au prêtre-ouvrier exorciste, il y a de quoi faire ! Il n’est pas impossible que j’intègre inconsciemment ça ou là des éléments rencontrés chez certains, mais ce n’est pas volontaire. Et en y réfléchissant, je ne saurais vous dire si ça a vraiment été le cas un jour. Mais dans le doute… L’écriture est quelque chose d’assez mystérieux. Si l’on cisèle les contours d’une histoire, on ne sait pas toujours ce qu’on va y trouver. Et parfois, on s’étonne soi-même !

Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?

L’inspiration vient souvent d’une envie, d’une expérience marquante, d’un clin d’œil du destin. Par exemple, j’ai découvert, il y a quelques années, une technique étrange qui permet, au moyen d’un clavier, de faire s’exprimer des personnes privées de parole (en raison d’un handicap, par exemple). C’est une pratique qui n’est pas autorisée dans les institutions, pour diverses raisons, et qui serait pourtant un apport considérable pour le confort des résidents mutiques, comme certains autistes. J’ai eu envie de mettre cette méthode en lumière. C’est ainsi qu’est née La nuit avalera le mal.

Pour ce qui est des auteurs, si j’en ai lu énormément de très différents, il y en a quelques-uns qui m’ont profondément marquée, oui. Stefan Zweig et Jacqueline Harpman en tête. J’ai rédigé, au cours de mes études, un mémoire sur le premier et ai publié un essai sur la seconde. Tous deux sont de grands spécialistes de l’âme humaine, et c’est ce qui me plaît tant dans leur œuvre, outre un style que je trouve souvent étourdissant.

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Aucun. Si ce n’est que je préfère généralement écrire l’après-midi et en fin de journée. J’apprécie particulièrement me trouver au cœur de mes histoires lorsque le soleil est en train de se coucher, par exemple.

En général, aussi, j’aime bien m’être mis un peu l’eau à la bouche la veille pour le lendemain. Et pour cela, je prévois dans les grandes lignes ce sur quoi je vais écrire. Ça a un côté excitant de savoir que quelque chose m’attend. C’est un peu comme un rendez-vous amoureux. Je vis avec mes personnages sans rien figer dans l’écriture, je les laisse évoluer avec et sans moi. Et une fois de retour devant l’écran, les préliminaires passés, je couche ce qui me vient. Et là…

Parlez-nous de La mémoire dans le sang. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?

J’aime assez l’esthétique du vampirisme. Je crois que la révélation a été le Dracula de Coppola qui est d’une beauté à couper le souffle. J’ai eu envie de développer un scénario qui aurait recours à cet univers en toile de fond. Et je me suis laissé aller…

La mémoire dans le sang, ce sont deux histoires qui s’entremêlent. D’abord, il y a Elvire, une petite fille dont on apprendra assez vite qu’elle est atteinte de xeroderma pigmentensum, la maladie des enfants de la lune. Et puis, il y a une enquête de police qui commence de façon étrange : le corps d’une femme nue est découvert dans un confessionnal, en position de prière avec, au creux du cou, une marque qui ressemble à la morsure d’un vampire. La mise en scène laisse à penser que le meurtrier ne va pas en rester là. Et Sybille Lievič va se lancer sur la piste de ce qu’elle pressent être un tueur en série. À un moment, les histoires se croiseront, forcément. Au lecteur de découvrir de quelle manière. 😉

Avec cette référence aux vampires, votre livre mêle réalisme et fantastique. Le brouillage des frontières entre genres est-il une manière de renouveler le polar ?

En vérité, dans ce roman, le fantastique ne semble exister que pour l’ambiance, à savoir celle du vampirisme. Il n’y a aucune incursion dans un monde parallèle comme c’est le cas dans les romans du genre. Il s’agit d’un polar psychologique qui se base sur cet univers très particulier qu’est celui des vampires et qui se traduit de façon bien réelle. Certains personnages se prennent pour des vampires, mais de là à dire qu’ils en sont… Quant à prétendre vouloir renouveler le polar… je m’en garderais bien. Ce serait bien prétentieux de ma part, non ? 😉

Votre livre n’est pas un « whodunit », puisqu’on sait assez tôt dans l’histoire « qui ». Qu’est-ce que ce choix permet de creuser davantage ?

C’est un reproche qu’on me fait parfois, le fait que l’identité du coupable puisse assez vite paraître un peu transparente. C’était un parti pris. Ce qui m’intéressait n’était clairement pas le « qui » mais le « pourquoi » et le « comment » on devient ce genre de personnage. Qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un à sombrer dans un tel délire criminel ? J’ai toujours été fascinée par les troubles psychologiques. J’aurais d’ailleurs adoré être psychiatre. Je n’aime pas ce qui est lisse. J’ai toujours préféré ce qui est différent, c’est dans ma nature, je crois. Et essayer de comprendre ce qui fait cette différence, pourquoi une personne n’a pas choisi le chemin classique – ou n’a pas pu –, et m’aventurer dans ses méandres les plus tortueux, c’est ça qui me passionne.

Ce que vous creusez, c’est donc le côté psychologique.

Pas seulement, mais oui. Pour moi, un personnage n’est intéressant que s’il est différent. J’adore ciseler sa psychologie, lui découvrir des failles, les explorer, m’en servir pour mon intrigue. L’aspect psychologique d’un texte a toujours été pour moi d’une grande importance. J’évoquais deux de mes auteurs fétiches tout à l’heure : Jacqueline Harpman, en plus d’être romancière, était psychanalyste ; quant à Zweig, c’était un grand ami de Freud. L’esprit humain est un réservoir inépuisable d’histoires à façonner. Et, j’avoue, plus je vais loin, plus je m’amuse…

La mémoire dans le sang est édité aux éditions Amanite. Comment avez-vous rencontré votre éditeur ?

J’ai rencontré mon éditeur à l’occasion d’un salon dans ma région. J’avais déjà été éditée aux Éditions du Riflle puis par Ravet-Anceau. Amanite a d’abord publié mon premier roman jeunesse, Maura et les chats, avant de récupérer les droits de La nuit avalera le mal qui précède La mémoire dans le sang.

Que mettez-vous en place avec votre éditeur pour être un peu moins inconnue ?

Eh bien, d’abord, nous soignons beaucoup mes couvertures. Je suis pleinement associée au processus de création et je dois dire que je les trouve vraiment très réussies. Mais, bien sûr, c’est extrêmement subjectif. 😉

Comme beaucoup d’auteurs, je fais des salons ou des dédicaces en librairie. Cela permet de rencontrer les gens, et même d’avoir leur retour de lecture lorsqu’ils viennent vous acheter le suivant ! Sinon… je participe au Prix des auteurs inconnus. Vous connaissez, non ? 😉

En effet ! Pour conclure, avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

Je suis actuellement en train d’écrire un nouveau polar dans le cadre d’une collection encore assez récente. Et, pour le coup, cette fois ce sera bel et bien un polar fantastique puisque les deux genres seront confondus ! Ensuite, je crois que je me laisserai entraîner vers d’autres horizons littéraires. J’aime bien toucher un peu à tout. Pourquoi se limiter ?

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