Interview : Chani Brooks

Chani Brooks est en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus, dans la catégorie « romance ». Sa réaction quand elle a su qu’elle était sélectionnée pour le Prix :

Portrait ombre et lumière de l'auteure : Chani Brooks

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J’étais plutôt étonnée. Je ne m’attendais pas à voir un OVNI pareil sélectionné à un prix >< (OVNI = Otaku Volant Non Identifié). Merci beaucoup, c’est une belle aventure ! (mais qu’est-ce qui vous a pris ? o_0)

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Opération séduction à l’Otak’Kafé, son livre en lice !

Vous êtes déjà l’autrice d’une quinzaine de livres ou de participations à des recueils de nouvelles. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

Oh… je peux remonter très loin dans le passé. À mes 20 ans, un matin où je venais d’avoir mon premier ordinateur, ça m’a pris d’écrire une histoire de « magical girl » qui n’est jamais sortie des cartons. Ou plus tôt même, l’époque de mes 17 ans où je racontais des histoires que j’inventais aux enfants terribles des centres aérés (parce que Stephen King les traumatisait un peu). Et même, toute mon adolescence, où je m’inventais des sortes de fan fiction à partir de mes lectures de SF parce que les femmes et surtout les jeunes filles et la romance n’y avaient pas leur place. Mais je crois que ce qui a fait de moi un écrivain, dès mes 8 ans, c’est le besoin de réécrire la réalité, de m’en échapper. J’avais inventé une héroïne sur le modèle de Fantômette qui libérait les animaux de laboratoire. Le fond n’a pas changé. Je réinvente toujours un peu le monde et je m’en échappe.

Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?

C’est complexe. J’ai un peu copié (je dis bien, un peu) la plume d’Elizabeth George même si je n’écris pas de policier. Je respecte profondément la plume de Marguerite Yourcenar même si je suis loin d’avoir sa fluidité. Mais en vérité, soyons honnête, mes sources d’inspiration sont les mangas, les dramas, et les webtoons. Cela se voit dans mes romances à multiples rebondissements (trop, il paraît), dans mon humour visuel (et un peu gamin) et dans les pouvoirs que je mets en scène dans mes SFF sous le pseudo Ghaan Ima, qui écrit du « roman manga ». Je suis une grande fan de Rumiko Takahashi (Ranma ½, Inuyasha…) d’où ma façon de faire jouer les animaux dans mes romans (miargh !).

Avez-vous des rituels d’écriture ?

Il faut savoir que je suis une personne névrosée. J’ai des rituels pour tout. Donc oui, j’ai des rituels d’écriture et je ne peux pas commencer sans : le maté et le verre d’eau, le tapis de yoga, les écouteurs avec la bonne chanson dedans qui passera en boucle pendant deux ans s’il le faut (c’est ce que j’ai fait pour la saga Contrat avec un geek), les lunettes passées au Paic citron pour pas avoir mal à la tête, le siège bien réglé, Facebook à portée de main. Non pas Facebook. Caca Facebook. Pas bien. Bouh !

Dès le titre de votre livre en lice, Opération séduction à l’Otak’Kafé, on est prévenu : on entre dans l’univers du manga. Est-ce également votre univers de lectrice ?

Euh, non, je ne vois pas pourquoi vous demandez ça ? J’ai l’air d’aimer les mangas et d’être une otaku, moi ?

Haha. Mais comment vous est venue l’idée de l’écrire, alors ?

Couverture du roman : Opération Séduction à l’Otak’Kafé

Étrangement, ce livre est venu d’une expérience vécue. Au Canada, il y a plusieurs années, lorsque j’étais sans-papiers, je traînais toute la journée dans un café manga. J’ai entendu quelques perles qui m’ont tellement fait rire que j’avais envie de les remettre dans un roman. Mais finalement, je n’ai pas osé mettre les personnages. J’ai réinventé tout le monde, je n’ai gardé que la blague des échecs et celle des deux trous de balle, une pépite.

C’est vrai que L’Otak’kafé est tellement présent qu’on a l’impression qu’il existe…

Oui. Mais bon, je cite le lieu ou pas ? Mais on risque de deviner qui a deux trous de balle ?

Votre roman aborde des sujets plus difficiles comme le deuil ou le handicap. Comment cela est-il perçu dans l’univers de la romance ?

Ces sujets viennent de moments marquants. Laouenan, le frère ingérable, vient d’une scène que j’ai vue dans un commissariat de police, de cet homme à bout de nerfs qui demandait de l’aide. Il m’a fait une peine terrible. Le caractère de Laouenan est tiré du roman Simple de Marie-Aude Murail. Yannis, et ses ennuis financiers d’enfance, c’est un peu la vie de mon mari, alias Chaton. Même si lui est resté quelqu’un de bien, les galères que ses parents ont vécues me révoltent. Ce monde me révolte. Ma gentille petite Fanny qui s’inspire de l’héroïne du manga Fruits Basket est un hommage aux gens bien dans la meute de loups. Quant à Phina. Elle a existé. Ma cousine était mon modèle, mon roc, elle est morte. Fin de la chanson. Je vous ai dit que j’avais besoin de réécrire le monde.

Et la romance est le lieu pour ça. C’est ce qui donne la force d’une histoire. Les lectrices de romance sont des femmes intelligentes, qui veulent qu’on leur parle vrai et profond (sans mauvais jeu de mots). Et puis, on peut rire et pleurer au sein d’un même roman. Il n’y a pas de mal.

Les otakus et les geeks, par contre, c’est une autre chanson. Je pense qu’en moyenne, cela me prend une étoile en moins sur Amazon. Si mes héroïnes aimaient les chaussures et étaient avocates, tout serait plus simple pour moi. Mais il faut être soi-même.

Vous avez choisi de ne diffuser certaines scènes « hot » que sur votre site. Pourquoi cette démarche ?

Ah… c’est bête. À l’époque, j’avais mis le roman dans les plumes francophones d’Amazon. Et j’avais peur qu’un algorithme me déteste. Mais ça n’a rien changé, les algorithmes ne m’aiment pas de toute façon. Le comble pour une geek !

Et puis… avec la Couleur du Poison (une dark romance), je m’étais un peu fait tacler sur le trop-plein de scènes de sexe. Bref, avec cette histoire mignonne, j’ai mis de l’eau dans mon vin. Mais supprimer des pages, ça fait mal aux fesses. Alors c’est devenu une habitude. Au lieu de couper et de jeter, je mets en bonus par email.

Illustration de l'écriture d'un livre

Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

Oh… gros travail sur moi-même et une série d’accidents de parcours. Quand j’étais jeune, je voulais être éditée. Mon premier roman a été réécrit et reproposé trois fois à toutes les grandes maisons d’éditions. Et rejeté trois fois avec de jolies lettres type qui vous donnent envie de passer votre poing à travers le mur. J’ai eu un très long blocage créatif où j’ai commencé et jamais fini une dizaine de romans. Il s’est levé quand je suis arrivée au Canada. J’ai bossé dans un incubateur de start-ups bourré d’indépendants super créatifs et j’ai fréquenté plein d’écrivain en mode : « reconversion, le développement personnel, c’est la vie ». C’était la période où Kindle commençait à s’imposer. Un pote écrivain a parlé d’être « indépendant » sur Amazon. Je me suis dit, « testons ! ». Je suis devenue freelance dans mon métier au même moment. L’indépendance devenait une évidence (surtout que je ne supporte pas les chefs, mais ça, c’est une autre histoire).

J’ai donc publié quelques romans de SFF sous le pseudo de Ghaan Ima. Mais c’était pas la folie côté ventes. J’ai failli passer mon chat dragon en maison d’édition. Mais cela n’allait jamais. Soit je devais renoncer à la suite (que je n’ai toujours pas écrite, ceci dit ><), soit je devais donner un droit de préférence sur trois générations pour tous mes pseudos, soit… Bref, pas possible. Et puis, j’en avais assez de la SFF. Le triangle amoureux de Mira n’avait pas été bien accueilli. J’étais vexée. Donc, j’ai créé un nouveau pseudo dédié à la romance (mais maintenant j’ai envie d’écrire des romances dans l’espace avec des extraterrestres… C’est grave docteur ?).

Donc, Chani Brooks est née. La romance est sans doute le meilleur genre pour être indépendant. Les lectrices lisent beaucoup, et surtout beaucoup dans l’abonnement Kindle, qui est très rémunérateur pour l’auteur. Je suis donc évidemment restée indé pour ma saga Contrat avec un Geek. Pour la Couleur du poison, comme je n’assumais pas la dark romance, j’ai brièvement pensé à le proposer à des maisons d’éditions. Et puis, j’ai fait un cauchemar, où un éditeur me refusait le droit de mettre un lien vers mon site à la fin du livre. Je lui proposais, à genoux, 5000€ pour qu’il me rende mes droits… En me réveillant, je me suis dit : « euh… je crois que je ne suis pas prête ».

Donc je suis restée indé et il est probable que je le resterai, mis à part quelques appels à textes rigolos.

PS : je préfère le terme indépendant à auto-édité, comme dans le monde du jeu vidéo indépendant, de la BD indépendante. Je trouve cela plus professionnel comme terme. Je fais tout comme une vraie ME – d’ailleurs, je suis une vraie ME, j’en ai la structure légale. Je paie des pros, j’investis sur le long terme, je me fais aligner par les Urssaf et les impôts. Tout va bien. Les vaches sont bien gardées.

Est-ce que vous envisagez d’éditer quelqu’un d’autre que vous-même ?

Me casser les pieds avec le texte de quelqu’un d’autre ? o_O Whaaaat ?! Mais pourquoâââ ?! Plus sérieusement, le jour où je trouve des copines pour faire un recueil de Geek Romance avec moi, peut-être que ma structure servira. Mais ce sera la seule exception.

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

Au démarrage de ma carrière en romance, je suis partie du principe que personne ne veut payer pour lire une inconnue et de surcroît un OVNI. J’ai donc beaucoup donné. Donné des goodies à Livre Paris en surgissant dans les queues des stands de romance (« Coucou, tu aimes les geeks ? » « Beurk, non ! » « Bah, prends quand même un marque-page et un magnet ! »). Donné le premier tome de ma saga Geek par email. Donné le bonus qui est devenu un tome 6 de 50000 mots. Donné des préquels de mes autres livres (d’ailleurs, l’Otak a un préquel gratuit sur mon site). Donné des milliards de bonus. Donné, donné, donné… Plus de 150000 mots donnés en trois ans.

Mais ça commence à agacer Chaton, mon père, mes cervicales et même certaines de mes collègues qui ont envie de me mordre (je ne citerai personne). Donc, gros projet, j’ai décidé de me créer une boutique en ligne pour vendre des goodies et inciter à acheter mes livres papier. D’ailleurs, j’ai des super pulls moches de Noël si ça vous intéresse !

*-*

Comment ça, y’a pas de rapport ?

Sinon, en 2022, je vais faire tous les salons geeks de France et de Navarre aussi. Non, ce n’est pas pour m’amuser. Je crois au pouvoir de l’analogique !

(∩^o^)⊃━☆゜.*

(NDG – Note de la Geek : analogique = le papier).

Portrait de l'auteure Chani Brooks en dédicace

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

Ah la belle question ! J’ai 200 livres en tête. Si je fais tout pour vivre de ma plume, c’est pour espérer finir ma vie d’adulte productif (c’est-à-dire avec une colonne vertébrale fonctionnelle) en en ayant écrit la moitié. J’ai prévu de rester en romance contemporaine pure et dure encore quelques années. En finissant en parallèle mes sagas de SFF que j’ai laissées en plan, par respect. Quand je serai viable (voir célèbre), je reviendrai à la SF pour le plaisir. Puis, je compte enchainer sur le steampunk et l’historique vers 50 ans, quand je serai grande et que j’aurai la patience de faire des recherches plus poussées. À la retraite, je reviendrai sur la jeunesse, car il paraît qu’on redevient enfant en vieillissant. Ou alors j’écrirai du cyberpunk bien bourrin. On verra selon mon humeur du moment.

Sinon, mon prochain livre ?

Bonne question. Je devrais écrire la suite de mon chat dragon que des enfants n’attendent plus depuis 5 ans.

Ou alors le spin-off de Contrat avec un Geek, un MM avec Kilian (le mec qui aime tellement les animaux qu’il invente des start-ups qui risquent de détruire l’humanité). Ou alors mon roadtrip au Japon avec Nana et Hiromi, deux OVNIs issu de l’univers pourtant bien doudou et pas geek de mes romances de Noël. Ou alors…

Bref. On verra.

Ah si, je suis bête. Il y a déjà un livre d’écrit sur lequel transpirent mes bêta-lectrices actuellement. En novembre, je sors Juste une maman pour Noël. Une histoire garantie 100% sirop d’érable, sans geekerie, ni manga. L’héroïne est chanteuse de Jazz et le héros est policier dans un petit village appelé Chante-Neige.

On ne peut pas faire moins otaku là, non ?

Ah mince, c’était sans compter le petit Tristan. C’est un fan de K-pop. La K-pop a envahi Chante-Neige en plus des toilettes de l’Otak’Kafé !

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