
Les montagnes russes ! La veille, j’ai vu passer sur les réseaux sociaux que la sélection allait être annoncée. Persuadée que les sélectionnés étaient prévenus avant, j’ai été hyper déçue… Doublement déçue, car mon premier roman, il y a deux ans, n’avait pas été sélectionné. Le lendemain, j’ai donc triplement sauté de joie !
C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Les garçons russes ne pleurent jamais, son livre en lice !
Vous êtes l’autrice de deux romans, Hurler sans bruit et Les garçons russes ne pleurent jamais. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?
L’écriture, sous différentes formes, a toujours fait partie de ma vie professionnelle entre le journalisme et la communication. Parallèlement, je participais à des ateliers d’écriture, j’écrivais des nouvelles. C’est longtemps resté un jardin secret, j’ai mis du temps avant d’oser me lancer dans un premier roman. J’ai lu Ecrire de Marguerite Duras alors que je travaillais sur le premier chapitre de Hurler sans bruit. Sa phrase, « Ecrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit », m’a littéralement traversée. Cela correspondait aussi aux trois femmes de ce roman qui s’expriment chacune à leur tour.
Vous écrivez de la littérature dite « blanche », avec des problématiques familiales et des personnages de femmes forts. Ecrivez-vous de la littérature féministe ?
Je suis féministe, mais je ne m’inscris pas dans une littérature féministe où la revendication, selon moi, censure souvent les sentiments. J’ai simplement envie de parler librement des émotions qui s’entrechoquent avec complexité quand on parle d’avortement, de désir ou encore de la place de la femme dans un couple.
Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?
En lisant Chaos calme de Sandro Veronesi, je me suis dit que j’aurais voulu écrire un roman comme ça. C’est resté une référence sur l’intériorité d’un personnage, l’écriture de l’intime et les galeries de personnages. Je me sens proche d’auteurs qui opèrent leurs personnages à cœur ouvert ou dissèquent les relations sociales.
Avez-vous des rituels d’écriture ?
J’adore les histoires d’écrivains qui s’installent dans des bureaux imprégnés de références ou dans des cafés pour s’inspirer du bruit du monde, écrivent quand tout le monde dort ou notent tout dans de jolis carnets… Mais c’est loin de ce que je peux raconter ! Le rituel qui me rattrape est une appréhension à me lancer dans l’écriture et que je tente de dompter. En fonction de mon humeur ou de ce que j’écris, je peux écouter quatre fois d’affilée une chanson, prendre un troisième café, ranger du linge ou trier mes notes dispersées entre mon ordinateur, mon téléphone, des cahiers et des feuilles volantes. J’essaie de me mettre des contraintes de temps, comme quand on doit écrire un article avec un délai, ce qui m’oblige à sauter dans le vide sans réfléchir.
Parlez-nous de Les garçons russes ne pleurent jamais. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?
Je tire toujours un fil à partir de la vraie vie, de personnes réelles, d’émotions ressenties, par moi ou par d’autres, avant de m’en éloigner, de prendre de la distance et d’imaginer une histoire. L’idée a germé en constatant la violence de la crise adolescente d’enfants adoptés. La fascination pour la Russie est pour beaucoup dans cette idée. J’ai vraiment aimé vivre avec ce pays tout au long de l’écriture.

De fait, votre livre suit la Volga au rythme d’une croisière. Quelle symbolique ce décor revêt-il pour vous ?
Je suis allée plusieurs fois en Russie et, pendant le temps de documentation, puis d’écriture, j’ai beaucoup lu d’auteurs russes ou français qui ont écrit sur ce pays, comme Emmanuel Carrère. En Russie, tout est excessif, insaisissable, à la fois joyeux et terrifiant, chaleureux et violent, fou et rigide. Je souhaitais, avec cette traversée de la Russie, faire un tableau impressionniste d’un pays difficile à cerner, qui ne peut pas donner de réponses simples aux questionnements des personnages. J’avais aussi envie d’opposer à la langueur de la croisière la tempête que traversent les personnages.
Le thème principal de votre livre est certainement l’adolescence et ses révoltes. Avez-vous écrit en pensant à votre propre adolescence, ou au contraire en la laissant de côté et en observant celle des générations actuelles ?
Je me suis plutôt inspirée des adolescents d’aujourd’hui, j’ai appris à écouter du rap, à m’intéresser à leurs références. J’ai aussi observé le mélange de colère et de résignation de jeunes coincés dans des cases dont ils savent qu’ils ont peu de chance de s’extraire. En moi, je suis allée chercher de la colère, pas forcément celle de l’adolescence.
L’adolescent de votre livre a été adopté. Votre livre aborde le sujet de l’adoption d’une manière originale puisqu’il prend de front de nombreux problèmes et surprend sur sa manière de les dénouer (ne spoilons rien). Avez-vous voulu faire passer des messages sur ce sujet ?
Plutôt mettre un coup de projecteur sur ce que peut peser le sentiment d’abandon dans une vie et exploser les clichés de la famille qui va sauver un enfant au bout du monde.
La musique est extrêmement présente dans votre livre. Elle l’était aussi dans Hurler sans bruit. La musique vous accompagne-t-elle dans l’écriture ? Y puisez-vous une inspiration ?
La musique m’aide à caractériser les personnages, à me plonger dans une ambiance. Pour mon premier roman, j’ai puisé dans ce que j’écoute et les lecteurs de ma génération ont apprécié la bande-son ! J’écris dans un silence absolu, mais je peux, avant de me lancer ou pour m’inspirer, écouter de la musique à fond. Pour Les garçons russes ne pleurent jamais, je mettais du rap version karaoké sur Deezer, j’ai regardé en boucle le clip d’un groupe russe, Leningrad, j’ai chanté à tue-tête avec le chœur de l’Armée rouge… Maintenant, je peux vous défier sur Kalinka !

Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Avez-vous envisagé de passer par l’édition traditionnelle ?
Je me suis jetée dans le grand bain de l’auto-édition, car je voulais que mes romans vivent. J’ai beaucoup appris et cela m’a permis de trouver des lecteurs, de faire de très belles rencontres avec des chroniqueurs, d’autres auteurs.
C’est ainsi que j’ai rencontré Nathalie Longevial, autrice hybride puisqu’elle a auto-édité et sort bientôt un roman chez Eyrolles. Chaque semaine, depuis le début de l’année, nous avons un rendez-vous téléphonique et nous échangeons sur notre travail. C’est extrêmement intéressant et précieux pour ne pas se sentir seul dans l’écriture, dénouer des blocages, s’interroger à deux… Bien sûr, j’ai envie d’être éditée, cela demeure une forme de reconnaissance. J’ai surtout envie de progresser et de grandir dans mon travail d’écriture. Pour cela, il faut se confronter à un regard d’éditeur.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
J’ai fait un important travail de communication sur les réseaux sociaux, en allant à la rencontre des lecteurs sur des salons. Cela a été fructueux. Mais, se faire connaître en plus d’être un vrai boulot, est difficile. L’auto-édition reste un monde parallèle pour les médias, certains chroniqueurs, pour beaucoup de salons… Être en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus est très précieux !
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Il y a deux ans, j’avais mis de côté une double-page du Monde sur un fait divers, l’héroïne était assez fascinante. J’ai tournicoté autour avant de l’extraire de son contexte et de la mettre face à un autre personnage féminin. J’ai écrit un premier jet qui ressemble à une grosse carcasse que je suis en train de retravailler. C’est encore une histoire de femmes qui cherchent leur place…