Interview : Lise Vauban
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai pris connaissance du PAI 2024 au travers d’une autrice qui a remporté l’édition 2020 (Tu sais où me trouver, Gaëlle Ausserré), et ça m’a semblé une opportunité intéressante. Honnêtement, je ne m’attendais à rien. J’ai donc été très surprise quand j’ai appris que mon livre avait été retenu. Puis la surprise a laissé place à l’émotion. Ça m’a beaucoup touchée de devenir finaliste, et ça m’a donné envie de poursuivre cette belle aventure qu’est pour moi l’écriture en auto-édition.

Un heureux souvenir est votre premier roman. Comment s’est fait le chemin qui vous a amenée à écrire pour être lue ?
J’ai toujours aimé gribouiller des choses sur papier : des petits mots, des pensées, des poèmes. Je me souviens que, plus jeune, j’adorais les rédactions à l’école ou tout type d’exercice d’écriture. Puis, j’ai commencé à voyager pas mal, pour les études, puis pour le travail. Et là, j’ai pris l’habitude de noter mes impressions, des anecdotes, quelques souvenirs marquants. Un heureux souvenir a commencé comme ça, par quelques bribes écrites sur un carnet.
Je crois qu’au fond, j’ai toujours eu envie d’écrire, mais je n’étais pas forcément prête. Il faut se donner la permission, se lancer sans retenue ni même penser au résultat, avoir du temps et de l’énergie également. Une histoire, ça se travaille ; c’est beaucoup de doutes, d’heures d’écriture, d’efforts. J’ai longuement hésité à publier ce premier roman, et finalement, aujourd’hui, je ne regrette pas. C’est une très belle aventure, même si complexe en auto-édition, et c’est très gratifiant quand les premiers retours de lecture arrivent. Ça donne lieu à de belles rencontres et de jolis échanges avec les lecteurs. Il faut cependant y être préparé. S’exposer, promouvoir son travail, recevoir des avis, c’est un apprentissage constant !
Vous dites vous être rendue à Madagascar, l’ile rouge, où votre roman nous emmène. Avez-vous travaillé dans une mission telle que celle du roman ? Qui sont les « enfants de Mampikony » à qui vous dédiez le livre ?
J’avais en tête depuis quelques temps l’idée d’effectuer un volontariat, et en 2012, j’ai senti que c’était le moment. Je voulais être au milieu d’enfants, vivre quelque chose de différent, une immersion culturelle, humaine. Et à partir de là, comme dans le livre, tout est allé très vite en fait. Madagascar s’est imposé à moi suite à un reportage que j’avais vu à la télévision. J’ai fait quelques recherches sur Internet, j’ai contacté le président d’une petite association, et j’ai tout de suite su que c’était celle-ci. Il y avait plusieurs destinations possibles, mais là aussi, Mampikony, ça a été une évidence. Je recherchais le dépaysement, une petite ville loin de tout, une réalité autre. Je n’ai pas été déçue !
Je redoutais pas mal le voyage en bus, seule, en territoire malgache, l’arrivée au village, la réaction des gens sur place. Et quand je suis arrivée là-bas, j’ai pris les choses les unes après les autres et ça m’a permis de m’apaiser et de m’acclimater progressivement. Je faisais un peu de tout à la mission même si je m’occupais principalement des enfants qui venaient y passer la journée. On les nourrissait, on faisait l’école comme on pouvait, des activités manuelles et sportives, ce genre de choses. Ce voyage reste l’une des expériences les plus bouleversantes de ma vie. La plus éprouvante également.
J’ai commencé l’écriture d’Un heureux souvenir quelques temps après mon retour, parce que j’avais besoin de figer cette expérience. J’avais besoin de mettre par écrit les choses que j’avais ressenties, vues, entendues au cours de mon séjour, et surtout la façon d’être des enfants, et leurs conditions de vie. Je ne savais pas à l’époque la forme que ça prendrait, je consignais juste mes souvenirs pour ne rien oublier de tout ça. J’ai ensuite laissé ces « mémoires » dans un tiroir et je suis passée à autre chose. Cependant, ce voyage ne m’a jamais quitté, ces enfants non plus. Ce n’est que des années plus tard que je suis revenue sur cette ébauche de manuscrit. Je faisais une pause professionnelle et l’écriture m’a rattrapée. Je me suis alors dit que c’était le moment ou jamais d’utiliser ce vécu et d’en faire un roman. Les enfants de Mampikony, c’était le titre initial, mais je l’ai changé sur le conseil de ma bêta lectrice. Je leur ai alors dédié le livre parce que cette histoire, c’est en grande partie la leur. Ces enfants m’ont donné une incroyable leçon de vie. Je voulais pouvoir les mettre à l’honneur d’une manière ou d’une autre, et leur faire savoir que je ne les avais jamais oubliés.
« Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » Et celle de Léa et Tom ?

C’est une citation très juste et qui reflète assez bien la famille Gauthier dont il est question dans mon livre. La mécanique d’une famille, c’est profondément compliqué, et encore plus quand un drame se produit. Il y a le drame, mais aussi toute une série de conséquences qui en découle et qui peut créer un malaise ou un conflit important par la suite.
Dans mon roman, les Gauthier s’éloignent suite au départ de Tom. Une colère inavouée s’installe, des peurs, des non-dits s’ancrent au sein du foyer, et un besoin cruel de libérer tout ça s’accumule chez quelques-uns de mes personnages. C’est une famille relativement malheureuse, oui, et abattue à force de mensonges, de choix non assumés, et quelques malheureux concours de circonstances. C’est tout ça qui cristallise les Gauthier avant même que l’accident ne se produise. Après, je pense que dans une famille, et encore plus quand il y a de la souffrance, chacun, au bout du compte, fait comme il peut, et je crois que c’est important de montrer ça aussi. De belles choses se produisent malgré tout dans les moments les plus difficiles. Dans Un heureux souvenir, il y énormément de courage et de détermination, notamment en la personne de Léa. Ce bout d’histoire, de parcours de Tom qu’elle veut restituer à tout prix, c’est une preuve d’amour incroyable envers les siens, et de résilience. J’ai beaucoup aimé travailler l’histoire autour de tout ça : des relations familiales complexes, la capacité de pardonner ou pas, les conséquences qui relèvent des peurs et des non-dits, le besoin de vérité, etc.
Ecrivez-vous pour faire ressentir des émotions, ou les émotions sont-elles un moyen de mieux faire passer des messages ?
Je crois que j’écris surtout pour que le lecteur s’évade, se divertisse, et passe un bon moment de lecture. Je ne pense pas nécessairement aux émotions. Par conséquent, j’ai été très surprise par les premiers retours de lecture et le fait que les gens soient touchés au point même parfois d’en verser une larme. Je n’ai rien calculé de tout ça en écrivant Un heureux souvenir. Je me suis concentrée sur l’histoire que je voulais raconter, et j’ai tâché de soigner au mieux l’écriture. Toutefois, j’ai désormais conscience que les messages passent mieux s’ils véhiculent de l’émotion. Quand il y a de la justesse, de l’authenticité dans un récit, alors je crois sincèrement qu’il se passe quelque chose chez le lecteur. Je lis moi-même énormément et les livres qui me remuent le plus sont ceux qui suscitent une réaction en moi, que ce soit de la frustration, de la tristesse, ou de la joie.
Au-delà de l’émotion que peut provoquer telle ou telle situation ou tel ou tel personnage, ce qui m’importe en tant qu’autrice, et surtout avec ce roman, c’est que le lecteur prenne conscience qu’il existe une autre partie du monde où rien n’est dû, où on vit différemment, et où peu est à portée de main.

Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Comment avez-vous choisi Librinova ?
Je me suis tournée vers l’auto-édition parce que j’avais une histoire à raconter et que je voulais la partager le plus facilement possible. À aucun moment, je n’ai envisagé d’envoyer mon manuscrit à une maison d’édition ; peut-être parce que je ne croyais pas assez en mon projet ou en mon écriture. Je pense que je ne voulais pas attendre des mois non plus pour qu’on me réponde, et que je ne voulais pas être découragée. Cette aventure malgache me tenait à cœur, j’ai décidé de la faire connaître par mes propres moyens et de la laisser faire son bout de chemin.
J’ai choisi Librinova après avoir consulté quelques auteurs qui m’ont recommandé de passer par cette plateforme pour un premier roman. Je ne regrette pas. Ils se sont montrés très professionnels et bienveillants. Je pense aussi que si j’avais dû m’occuper de tout dans les moindres détails, j’aurais commis des erreurs ou tardé beaucoup plus à sortir ce roman. Librinova, ça a réellement été un gain de temps précieux, et une sortie de livre relativement aisée pour une novice comme moi.
Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Je ne connais pas l’édition traditionnelle donc c’est difficile de comparer, mais j’imagine que les choses sont plus rapides et plus faciles quand un professionnel prend les choses en main. Dans le cas de l’auto-édition, il faut s’occuper de tout. C’est stimulant, mais c’est aussi très épuisant. Il faut être très organisée, avoir le souci du détail, ne pas hésiter à demander de l’aide, et finalement l’auto-édition, c’est commettre beaucoup d’erreurs, apprendre et faire différemment sur les prochains romans. L’auto-édition m’a également permis d’acquérir de nouvelles compétences. C’est très grisant de voir aboutir un manuscrit, de lui donner forme, de suivre chaque étape, et encore plus de le voir publié et commercialisé. Il y a beaucoup de liberté, de créativité possible, et de satisfaction personnelle à faire tout cela soi-même ou même avec l’aide d’une plateforme telle que Librinova parce qu’il faut beaucoup s’investir. J’ai ressenti énormément de fierté quand j’ai tenu pour la première fois mon roman entre les mains. Cependant, si demain un éditeur frappe à ma porte, pourquoi pas. Mais je n’irai pas démarcher. Les livres sauront, je l’espère, m’amener là où je dois aller.
Quelle serait votre plus belle récompense d’autrice ?
Être lue, recevoir des messages de lecteurs est aujourd’hui pour moi la plus belle récompense. Bien sûr, j’aimerais gagner le concours ou être repéré un jour par une maison d’édition. Néanmoins, je me rends compte qu’au-delà de la reconnaissance, je cherche réellement des opportunités de porter ce livre au plus grand nombre. Quand on m’écrit « votre livre m’a ému, fait réfléchir, ou relativiser », je prends cela comme une très belle victoire. J’aimerais aussi beaucoup rencontrer des lecteurs ou participer à un salon. Ça doit être une merveilleuse expérience. Un jour peut-être.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Oui, mon deuxième roman est actuellement entre les mains d’une bêta lectrice professionnelle. J’attends ses commentaires courant novembre. Je sais qu’il y a encore du travail avant publication, des heures de réécriture, des bêta lectures supplémentaires à lancer, un plan de lancement à préparer, et plein d’autres choses encore. Malgré tout, j’avance et petit à petit, et m’approche d’une nouvelle parution. Par ailleurs, j’ai une ébauche de troisième livre en tête et sur ordinateur. Je m’étais lancée dans une nouvelle il y a quelques mois, mais j’ai très vite compris que je partirais sur quelque chose de plus long. J’ai déjà de la matière, et j’ai hâte de m’y atteler plus sérieusement.

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