Interview : Laurence Lopez Hodiesne
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
Je connais le prix depuis quelques années déjà et grâce à d’autres romanciers. C’est d’ailleurs une très belle occasion pour les auteurs de sortir de l’ombre. En réalité, j’ai beaucoup de mal à candidater à des concours, et celui-ci est le troisième. Mais vu que Les Jumelles est d’un genre différent par rapport à mes écrits précédents, j’ai voulu tenter ma chance. Évidemment, j’ai été surprise et très heureuse d’être sélectionnée avec un roman qui me tenait à cœur depuis un bon moment.
Le Monde de Ghotear : Les Jumelles est loin d’être votre premier roman. Comment s’est fait le chemin qui vous a amenée à écrire pour être lue ?
Pour moi, l’écriture va de pair avec l’amour de la littérature. Très tôt, ma grand-mère m’a transmis le goût de la lecture. Pour l’anecdote, j’ai emprunté son nom de jeune fille, Hodiesne, afin de lui rendre hommage.
L’envie de raconter des histoires s’est imposée d’elle-même. Ce furent d’abord des poèmes sur la nature et mes animaux, ensuite des récits plus longs. Mes deux premiers romans, rédigés vers l’adolescence, n’avaient rien à voir avec ce que j’écris à présent. En effet, il s’agissait de romans policiers. J’étais alors une grande fan de Mary Higgins Clark et Stephen King. Mais également d’auteurs classiques comme Jane Austen, Charlotte Brontë, Stendhal, Victor Hugo. Vu que je suis une lectrice éclectique (j’ai une très grande bibliothèque qui m’a valu des regards noirs lors de déménagements !), je me suis plongée avec ravissement dans tous les Harry Potter de J.K.Rowling que j’achetais pour mes trois fils. Ensuite, j’ai découvert Pierre Pevel et d’autres auteurs de fantasy. Jean d’Aillon, un auteur de romans policiers historiques, m’a encouragée à continuer dans la voie de l’écriture, tout comme ma maman, mon mari et mes enfants.
Après quelques publications diverses, étant donné ma passion pour l’Histoire, je me suis tournée tout naturellement vers la romance historique. Dans certains de mes romans, on retrouve cependant une petite pointe de fantastique…
J’aime aussi aborder des sujets sensibles et surtout, j’adore faire des recherches ! C’est tellement gratifiant de découvrir des anecdotes sur tel ou tel siècle ou sur un pays comme l’Écosse, que j’affectionne tout particulièrement. Quelquefois, cela me donne une idée pour une autre histoire.
En règle générale, j’aime écrire avec la seule respiration de mes chiens ou de mon chat en bruit de fond. Et je ne fais jamais de plans. J’ai une idée en tête et je la développe au fur et à mesure. Parfois, j’ai la fin, d’autres fois, non. Pour ne rien oublier, j’ai d’innombrables carnets sur lesquels je note tout ce qui me vient à l’esprit, même en pleine nuit.
Comment vous est venu l’idée d’un roman pour ados après avoir écrit bon nombre de romances ? Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées dans l’écriture de ce nouveau roman ?
L’idée a germé pendant de nombreuses années, car j’adore l’univers de la fantasy et cette possibilité de créer des mondes différents du nôtre. Je voulais toucher un autre public, plus jeune, et j’ai commencé à rédiger le premier tome des Jumelles en parallèle avec mes romances et seulement à certains moments. Du coup, il m’a fallu du temps avant de poser le point final. En fait, je ne me sentais pas vraiment légitime et j’ai sans doute fait beaucoup d’erreurs, même si j’y ai mis tout mon cœur. Par exemple, je pensais développer certaines parties dans un autre volume. Comme toujours, les critiques, si elles sont constructives, m’aident à améliorer mon écriture.
Votre roman se passe en Ecosse. Avez-vous fait des recherches, des lectures, ou est-ce un pays que vous connaissez ?
J’adore l’Écosse et j’ai eu l’occasion de visiter ce beau pays. D’ailleurs, j’attends d’y retourner avec impatience. C’est pour cette raison que j’ai eu l’idée de me servir des nombreux mythes écossais pour rédiger mon histoire et de les arranger à ma manière. D’autre part, je lis énormément d’écrits qui se déroulent là-bas pour m’imprégner de l’atmosphère et je fais comme toujours beaucoup de recherches.
Vos héroïnes sont jumelles. Quel est l’intérêt de la gémellité en littérature ?
Je me suis inspirée de mes deux frères qui sont jumeaux pour écrire cette histoire. L’un d’entre eux a eu des problèmes de santé à la naissance et ils sont donc un peu différents physiquement. Alors que ce sont de véritables jumeaux monozygotes, certains ne nous croyaient pas… J’ai voulu montrer le regard de la société sur ce qu’elle ne comprend pas.
L’adolescence est propice à la révélation de l’identité et dans le cas des jumeaux, cela passe par l’affirmation des différences. Les caractères de mes jumelles sont donc à l’opposé, mais complémentaires, avec ce lien particulier si fascinant.
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Comment en êtes-vous venue à créer votre structure propre ?
L’auto-édition n’a pas été mon premier choix. En 2010, j’ai rencontré une éditrice qui a accepté mon manuscrit, Au-delà d’un héritage, une romance à double temporalité sous un titre différent. Nous avons travaillé sur ce roman pendant un an, mais un mois avant sa sortie, la petite maison d’édition a fait faillite. J’ai confié un autre de mes romans à une nouvelle maison d’édition, mais elle a fermé elle aussi. Du coup, sur les conseils de Jean d’Aillon, je me suis lancée dans l’auto-édition en 2015. D’abord, avec un essai humoristique et ensuite avec Au-delà d’un héritage dont j’avais récupéré les droits.
Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
L’auto-édition présente bien des avantages, car on peut choisir sa couverture, sa mise en page, sa date de sortie, etc. Par contre, on endosse plusieurs casquettes, surtout au départ. On doit soigner l’image du livre, le bichonner pour espérer conquérir un lectorat. La part d’écriture est infime par rapport au travail de recherches, de relectures et de réécritures. Depuis peu, j’ai une correctrice, mais ce n’était pas le cas au début. Il y avait aussi beaucoup moins de chroniqueuses et on tombait parfois sur la mauvaise personne. Le manque de visibilité est un gros problème et il faut se démener pour se faire connaître. Certains salons du livre sont par exemple très sélectifs.
De plus, à l’époque où j’ai démarré, on devait se débrouiller seule en tâtonnant. Par exemple, j’ai fait beaucoup d’erreurs de couvertures. Pour Les Jumelles, j’ai eu la chance de travailler une nouvelle fois avec mon illustratrice, qui est aussi ma belle-fille, et c’était magique. Tout le monde adore cette couverture d’ailleurs. Et j’ai également mis à contribution mon fils aîné et son œil d’artiste pour plusieurs autres romans.
Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas de m’être lancée dans cette aventure. À présent, je m’y consacre à plein temps et c’est un réel bonheur.
Quelle serait votre plus belle récompense d’autrice ?
J’ai été finaliste d’un autre concours, les Plumes Francophones, en 2022. Alors peut-être qu’en gagner un serait une belle récompense.
En fin de compte, le fait que certaines personnes aiment vos écrits est une belle reconnaissance et donne envie de continuer sur une route qui n’est guère facile à emprunter.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
J’ai toujours plusieurs projets en tête. Actuellement, j’écris un livre un peu différent de mon genre de prédilection. Et le tome II des Jumelles est en cours de réflexion. En tout cas, le fil conducteur reste l’Écosse. Le tout est d’arriver à trouver le temps !