Interview : Natacha Larmurier
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai découvert le Prix des Auteurs Inconnus sur Instagram quelques semaines après la sortie de La valise et j’ai immédiatement décidé de tenter ma chance. Ce prix offre une chance unique de se faire connaître en tant qu’autrice et de pouvoir partager son travail. En apprenant ma sélection dans la catégorie Littérature blanche, j’ai ressenti beaucoup d’émotions : de la surprise tout d’abord puis une immense joie mais aussi un peu d’appréhension à l’idée d’être lue par les membres du jury.
La valise est votre premier roman. Comment s’est fait le chemin qui vous a amenée à écrire pour être lue ?
C’est un concours d’histoire qui m’a permis de sauter le pas de l’écriture car je n’avais jusque-là encore jamais trouvé le bon moment pour entamer un roman ni le bon sujet. J’enseigne l’anglais dans un collège où je coanime depuis sept ans un atelier portant sur la Seconde Guerre mondiale, période qui m’intéresse tout particulièrement et qu’il me semble crucial d’étudier. L’objectif est de préparer des élèves de 3e au Concours National de la Résistance et de la Déportation (CNRD). Les recherches que j’ai menées ainsi que les nombreuses rencontres et visites de lieux de mémoire que j’ai eu la chance d’effectuer dans le cadre de cet atelier ont nourri mon imaginaire. En m’asseyant un jour dans un TGV en direction du sud de la France, j’ai ouvert mon ordinateur et j’ai commencé à écrire l’une des premières scènes du roman : la rencontre dans un train d’une enseignante et d’une vieille dame encombrée d’une valise au contenu mystérieux. Une fois cette scène terminée, j’ai poursuivi avec une autre et encore une autre. Très vite, l’idée d’un roman choral s’est imposée, permettant d’une part d’alterner les points de vue et d’autre part de situer le roman à trois périodes différentes. Encouragée par mes proches et cette histoire que je portais en moi, je ne me suis plus jamais arrêtée et deux ans plus tard, La valise était terminé.
Votre roman ramène ses lecteurs aux pires heures de la Seconde Guerre mondiale. Vous dites vous êtes inspirée en partie d’une histoire vraie : pouvez-vous en dire plus ?
La valise est un roman historique qui se déroule en partie sous l’Occupation et si mes personnages sont tout droit sortis de mon imagination, il était essentiel que je m’appuie sur des faits historiques précis. Pour en apprendre davantage sur le camp des Milles et les conditions de vie effroyables de ses internés, j’ai fait beaucoup de recherches et je me suis rendue plusieurs fois au Mémorial du camp dont l’objectif est de montrer les points communs entre les 3 génocides du XXe siècle. J’ai aussi lu de nombreux témoignages sur les combattants de l’ombre qui, au péril de leur vie, ont tout tenté pour en sauver d’autres. Comme André, Fanny ou Suzanne dans mon roman, il s’agissait pour la plupart de gens simples, voire ordinaires, qui sont devenus des héros en faisant preuve d’un immense courage et en accomplissant des actes tout à fait extraordinaires. Je me suis enfin intéressée de près aux réseaux de sauvetage d’enfants qui opéraient en zone sud afin de mieux comprendre les épreuves auxquelles les enfants cachés ont été confrontés pendant et après la guerre. C’est ce qui m’a permis de me glisser plus facilement dans la peau d’Hannah et de ses camarades qui, séparés de leur famille, ont été contraints de vivre dans la clandestinité avec la crainte de ne plus jamais les revoir.
Vous êtes professeure d’anglais, Gabrielle est professeure d’histoire… Est-ce votre double littéraire ?
Il me semble que les enseignants, tout comme les écrivains, ont leur rôle à jouer dans la transmission de la mémoire. Ce n’est effectivement pas un hasard si Gabrielle, l’une de mes trois héroïnes, est une enseignante engagée qui, tout comme moi, participe au CNRD. En permettant aux élèves et aux lecteurs d’en apprendre davantage sur le passé, on peut espérer qu’ils le comprennent et qu’ils sachent en tirer les leçons. À l’heure où la plupart des témoins directs disparaissent, La valise participe à cette réflexion sur le devoir de mémoire.
Que permet la littérature, qu’un livre d’histoire ne peut pas transmettre ?
Quand elle se met au service de la transmission, la fiction est selon moi plus qu’un simple livre d’histoire, elle permet aux lecteurs de ressentir les émotions des personnages et de vivre de l’intérieur chaque douleur, chaque peine, chaque joie.
Comment êtes-vous venue à l’autoédition, et quels avantages y voyez-vous ?
Quand je me suis lancée dans l’écriture de La Valise, tout était nouveau pour moi et je me suis efforcée de procéder étape par étape en évitant de trop penser à la suite : écriture, relecture de mon manuscrit puis envoi à une correctrice professionnelle. Restait ensuite à trouver comment le publier. Tout en me renseignant sur l’autoédition, j’ai envoyé La valise à quelques maisons d’édition puis dans l’attente de réponses, j’ai opté pour Librinova et je n’ai pas regretté mon choix. Il s’agit d’une plateforme qui non seulement accompagne les auteurs tout au long du processus d’édition mais qui met aussi en relation auteurs et éditeurs. J’ai ainsi pu choisir la couverture et la quatrième de couverture. La valise est aujourd’hui en vente sur toutes les grandes plateformes mais c’est à moi de démarcher directement les librairies pour en faire la promotion. C’est un travail de longue haleine en plus de mon travail d’enseignante mais c’est une grande satisfaction de voir que mon roman plaît et qu’il est dans de nombreuses librairies autour de mon collège notamment ou sur mon lieu de vacances. J’ai également eu la chance de faire plusieurs séances de dédicaces dans des librairies, de participer à mes premiers salons littéraires et même d’être interviewée à la radio. Je suis ravie de voir que le voyage de La valise se poursuit !
Quelle serait votre plus belle récompense d’autrice ?
Ma plus belle récompense serait évidemment que je sois repérée par une maison d’édition.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ? Notamment, prévoyez-vous d’écrire un autre roman relatant d’autres faits de la seconde guerre mondiale ?
Tout en me consacrant à la promotion de La valise, j’ai entamé cet été l’écriture d’un deuxième roman historique qui se déroulera lui aussi pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai déjà une idée assez précise de l’intrigue et de mes personnages. Les femmes résistantes y seront à l’honneur et je peux d’ailleurs vous dévoiler en avant-première que Gabrielle en fera à nouveau partie. Je suis dans la phase de recherches et je dois avouer que c’est assez grisant car à ce stade, tout semble encore possible ; mais « Keep calm and carry on », comme disent les Anglais.