Interview : Amélie Blanche
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai connu le prix grâce à une amie qui l’a remporté il y a deux ans. J’ai décidé de présenter mon deuxième roman lors de l’appel à candidatures de cette année. J’ai été très surprise et heureuse de voir Lune d’elles dans les 5 finalistes ! Je trouve ce sont toujours des aventures incroyables pour les romans comme pour leurs auteurs. J’en profite pour remercier tous les jurés qui ont pris le temps de lire chaque roman ainsi que la team du Prix.
Lune d’elles est votre deuxième roman. Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
L’écriture de Lune d’elles a été très mouvementée. Tout d’abord, le sujet n’avait vraiment rien à voir avec celui de mon premier roman, Là où souffle le vent, et je ne savais pas s’il parlerait aux lecteurs. Pourtant, j’avais besoin d’écrire sur des thématiques qui font aussi partie de moi. J’ai commencé son écriture à une période où tout changeait dans ma vie, personnellement et professionnellement. J’avais du mal à trouver du temps pour me poser derrière mon ordinateur et faire mes recherches. Ça a été laborieux. Pourtant, mes personnages ne demandaient qu’à se faire entendre. Ils ont fini par gagner et j’en suis ravie !
J’ai toujours écrit. De la primaire au lycée, j’avais des carnets où je notais tous mes secrets, mes pensées, mes joies, mes peines. J’ai encore ces carnets d’ailleurs qui me suivent de déménagements et déménagements ! Puis, il y a eu la mode des blogs et je n’ai pas résisté à la tentation, à l’époque, de mettre mes états d’âme en ligne sous pseudo. C’était une chouette période où il y avait beaucoup d’échanges. Entre mes 21 et 29 ans, j’ai totalement mis de côté cette partie de moi pour y revenir vers mes 30 ans. J’ai mis le pied à l’étrier grâce aux ateliers d’écriture d’Anne-Gaëlle Huon où nous avons appris à écrire sur un sujet imposé durant un temps donné. Le plus compliqué était ensuite de faire lire nos textes à chaque petite « plume » de l’atelier et d’entendre les critiques, pourtant toujours constructives et bienveillantes. Ces ateliers ont été très importants et ont été le déclencheur de tout. J’ai ensuite écrit mon premier roman en 9 mois puis Lune d’elles en une année.
Lune d’elles aborde des thèmes liés à la spiritualité, les liens transgénérationnels, l’oppression des femmes, les secrets ancestraux de guérison… Ces centres d’intérêt font partie de moi depuis mon enfance. J’ai toujours été attirée par le monde spirituel et invisible. Avec les années, j’ai exploré encore plus ce monde à travers mes lectures, des formations, des expériences uniques. Tout cela a créé une histoire dans ma tête qui grandissait de jour en jour. J’ai adoré travailler sur deux temporalités dans des lieux qui me parlent : l’Ecosse et la forêt de Brocéliande. Les parties d’écriture au Moyen-âge ont été les plus complexes à écrire de par la profondeur des recherches que je devais effectuer pour être au plus près de la réalité, mais aussi les plus exaltantes. Faire des ponts entre cette période et le présent pour rendre l’histoire cohérente a été une expérience unique.
Je peux écrire à peu près partout tant que j’ai mon ordinateur et des écouteurs dans les oreilles. La musique a accompagné l’écriture de mes deux romans. Je crée mes playlists au fur et à mesure de l’avancée du roman (vous pouvez d’ailleurs retrouver une playlist Lune d’elles sur Spotify). Je suis team ordinateur. J’écris peu dans des carnets à part pour faire des fiches personnages ou des chronologies. J’ai un semblant de plan dans la tête mais généralement j’écris plutôt au feeling et je retombe généralement sur mes pattes. Ne me demandez pas comment, je laisse mes personnages me guider et le puzzle finit par s’assembler tout seul.
Ah et sinon, je garde en tête le meilleur conseil d’écriture que l’on m’a donné et que j’applique à la lettre : « Ecris. Ne te relis jamais avant d’avoir tout fini. Sinon tu n’avances pas et tu ne finiras pas ton roman. » Et c’est tellement vrai ! Un jet, d’un coup, sans relecture, est le seul conseil qui me permet d’aller au bout d’un roman. Et aussi le fait d’écrire tous les jours. Mais ça, j’ai plus de mal…
Vous vous êtes inspirée de légendes celtiques. Comment vous êtes-vous documentée ?
Je suis très attirée par la culture païenne qui est le terreau de notre civilisation et qui a été mise au ban dès l’arrivée du christianisme. Je suis quelqu’un qui a beaucoup de mal avec les religions dogmatiques. Je préfère donc la liberté de croire en ce que je veux, visible ou invisible, et les croyances païennes et celtiques répondent à cette idée. Elles sont liées à la nature, dans son respect, avec une tolérance qui me parle. J’ai donc beaucoup lu à ce sujet et je trouve ça passionnant !
Vous liez des destinées de femmes par-delà les siècles, notamment par la transmission intergénérationnelle des traumatismes. Vous citez ainsi les travaux d’Anne Ancelin Schützenberger. Selon vous, les clés du présent sont-elles dans le passé ?
La grande majorité effectivement ! Le corps a une mémoire incroyable. Il suffit d’aller par exemple chez un micro-kiné pour s’en rendre compte. Mais au-delà de ça, oui, les traumatismes souvent vécus par nos aïeux et aïeules se transmettent si on ne coupe pas le lien. C’est important de redonner à nos ascendants leur histoire, qui n’est pas la nôtre. C’est un travail très intéressant à faire dans notre vie pour se libérer mais aussi libérer nos enfants de nos propres traumatismes.
Les personnages du 15ème siècle sont proches de la nature et en connaissent les secrets qui soignent. Votre livre défend-il un rapprochement avec la nature ? Quelle est la place des savoirs ancestraux aujourd’hui ?
Mon livre montre surtout que nous avons beaucoup perdu à ne plus écouter ce que nous susurre la nature. Plus nous avançons, plus nous nous en éloignons. Je trouve ça infiniment triste, nous avons totalement perdu notre lien qui devrait nous unir à elle, au rythme des saisons. Nous courons sans cesse, dans une surconsommation qui m’effraie. Moi-même, je ne suis pas parfaite, je fais partie de cette société qui nous pousse tous les jours à ne pas être en connexion. Nous faisons partie d’un tout, malheureusement l’Homme a décidé de se mettre au-dessus de ce tout, ce qui mènera à sa perte. Je reste tout de même optimiste en me disant que les consciences s’éveilleront comme le fait mon héroïne Aylsa en puisant dans son histoire personnelle et que le savoir de nos anciens émergera de nouveau. Grâce à ma spiritualité j’essaye de rester ancrée le plus possible et d’être dans une position d’humilité face à notre Terre Mère.
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Je suis venue à l’auto-édition après avoir été « baladée » pendant plusieurs mois par une maison d’édition. J’en ai eu marre d’attendre que quelqu’un d’autre prenne en main le destin de mon livre et je me suis lancée. Pas toute seule car je n’y connaissais strictement rien et tout me faisait peur, mais grâce à l’aide d’une amie autrice et elle aussi auto-éditée. Sans elle, je n’aurais jamais réussi. Je lui dois beaucoup.
L’auto-édition donne une immense liberté bien sûr ! J’ai pu tout choisir du début à la fin. C’est véritablement notre bébé. Dommage que l’auto-édition pâtisse encore d’une réputation passable, on y trouve de véritables pépites.
La seule chose qui est difficile avec l’auto-édition c’est le temps que ça prend (gérer les ventes, la promotion, s’inscrire aux salons…). Quand on a déjà un travail à côté, une vie de famille, c’est très dur de se libérer du temps pour ça.
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
J’essaye d’être présente sur les réseaux et d’aller à la rencontre des lecteurs lors de salons.
Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?
Oui, j’écris un livre à quatre mains avec une amie en ce moment. Ce sera léger, drôle et on s’éclate vraiment à l’écrire ! J’ai également en tête un projet d’écriture pour un troisième roman en espérant aller, encore une fois, jusqu’au bout. Les premiers chapitres sont déjà écrits… à suivre donc !