Interview : Liv Bonnelli
Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?
J’ai connu le Prix des Auteurs Inconnus, en 2022. J’ai vu passer de nombreux posts sur Instagram, j’ai malheureusement loupé le dépôt de manuscrits à cette époque. Pour 2023, j’ai programmé sur mon téléphone une alarme pour tenter ma chance.
Je vous laisse imaginer la tension quand les posts sont apparus, les uns après les autres, pour désigner les cinq finalistes de chaque genre. Un climax insoutenable : jusqu’à l’image de la couverture de La porte oubliée. Le contexte final ? Un savant mélange entre pleurs, joie extrême que mon roman fasse parti des 5 finalistes et une pensée forte pour tous les romanciers en lice pour ce prix.
Comment s’est fait votre chemin jusqu’à l’écriture ?
Petite, je partageais mes journées entre le sport et les allées des bibliothèques où j’usais mes baskets. Vivre les histoires, ressentir les émotions, j’avais trouvé dans les livres le Graal. Mais écrire n’était qu’un doux rêve, inaccessible, rendu impossible par la vie de tous les jours. Alors, je me réfugiais dans les histoires qui prenaient vie dans ma tête. Jusqu’au jour où l’envie d’écrire fut plus forte que tout. La vie est trop courte pour ne pas réaliser son rêve. Je me suis lancée dans l’écriture de romans fantasy.
Parlez-nous de votre processus d’écriture ! Etes-vous une autrice architecte ou jardinière, utilisez-vous encore le papier et le crayon, avez-vous besoin d’une playlist ou préférez-vous le silence ?
Faire un choix, c’est se restreindre 😉 : je suis architecte pour rédiger un squelette très précis de chaque chapitre où nœuds narratifs et points de bascule s’articulent selon ma vision. Et jardinière, car une fois le squelette dressé, je laisse libre cours à ma source d’inspiration.
Pour m’y mettre, il m’est impossible de lâcher mes cahiers et mes crayons. J’affectionne plus que tout le moment où l’imagination me pousse à créer les personnages et le monde où ils prendront vie.
Silence ou playlist ? Les deux, bien sûr. Une playlist pour créer l’ambiance des scènes, chaque musique me permet de sombrer dans la profondeur de émotions que je désire transmettre.
Le Silence, pour moi n’existe pas, le bruit est omniprésent, même dans le silence. Alors pour trouver le silence intérieur, j’écoute les bruits blancs, en particulier le crépitement des flammes dans l’âtre d’une cheminée.
Dites-nous comment vous avez eu l’idée d’écrire La porte oubliée.
L’anosmie (la perte de l’odorat) est une pathologie dont l’une des causes peut être d’origine traumatique, mon imagination a fait le reste pour écrire La porte oubliée.
Mais je dois aussi vous confier que je n’aurais jamais continué à écrire sans compter sur l’aide précieuse de trois écrivaines. Elles m’ont soutenue, poussée à croire en ma capacité d’accoucher d’une histoire très sombre, en changeant de genre, pour basculer dans le thriller psychologique. Trois écrivaines chères à mon cœur, mes trois mousquetaires : Laurence Peyrin, Solène Bakowski et Marilyse Trécourt.
Votre roman décrit des scènes difficilement soutenables et n’est pas à mettre entre toutes les mains. A quoi sert la description de la violence dans la fiction ?
L’être humain n’est pas lisse, il possède un côté sombre plus ou moins marqué. L’ombre est là pour mettre en lumière ce que nous devons changer. La description de la violence dans la fiction est là pour servir ce but afin de jouer avec nos peurs ancestrales. La peur permet aussi de mieux comprendre nos pulsions inavouables. N’oublions pas que la violence dans les fictions permet d’exalter notre foi en la vie. Et pourquoi pas, réveiller les consciences pour montrer que si l’on prend le temps de s’interroger, il est toujours possible de transformer ce côté sombre.
Vos analyses psychologiques sont très détaillées et vous abordez des thématiques qu’on ne voit pas dans tous les romans noirs. Être thérapeute vous a-t-il aidée, ou au contraire entravée en vous donnant des idées que vous ne pouvez pas vous autoriser à suivre (en raison du respect du secret professionnel) ?
On ne va pas se mentir, être thérapeute m’a énormément aidée pour construire chacun de mes romans pour créer des personnages avec de profonds traumas. C’est le plus intéressant, car je veux les voir évoluer tout au long de l’histoire. Mais j’ai travaillé aussi de concert avec un médecin psychiatre : en raison du secret médical, je n’ai jamais utilisé les histoires que traversaient mes patients.
Vous entraînez vos lecteurs dans un Londres humide et glaçant. Est-ce un endroit que vous connaissez, comment avez-vous choisi d’y situer votre roman ?
Tous les romans que j’écris se situent en Angleterre ou en Écosse. Mon beau-père est écossais, l’Écosse et l’Angleterre sont une terre que je chéris plus que tout, et j’ai la chance de pouvoir y aller. Forcément, La porte oubliée ne pouvait s’écrire que dans ce lieu. Quoi de mieux qu’une Londres aux ruelles humides où Jack l’éventreur a sévi, non ?
Comment êtes-vous venue à l’auto-édition ? Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?
Je voulais faire la part des choses entre mon métier de thérapeute et celui d’écrivaine en tentant une nouvelle expérience en tant qu’autrice indépendante, sous un nom de plume.
Avantage ou inconvénient dans l’édition traditionnelle ou en autoédition ;-). Je pense que les deux possèdent un côté sombre et un côté lumière. Dans ce postulat, je pars du principe de prendre le meilleur. La liberté d’être autrice indépendante est merveilleuse. Mais pourquoi pas, un jour, tenter ma chance pour devenir hybride. Car choisir, c’est toujours se restreindre ;-).
Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?
Écrire, écrire, écrire… Alimenter mes profils au max. Pas facile tous les jours, c’est pour ça que j’ai délégué cette tâche à ma belle-fille et elle s’en sort à merveille !
Vous avez écrit le prequel de La porte oubliée et vous annoncez un nouveau tome qui apportera des réponses aux lecteurs frustrés par le cliffhanger de la fin du tome 1. Que pouvez-vous déjà nous en dire ?
Oui, en mai 2023, Le silence du ruisseau est sorti. J’ai construit la collection Black Switch sur le tempo : un livre, une enquête.
Pour comprendre Meredith, un des personnages principaux de La porte oubliée, il faut aussi apprendre de son histoire et de celle de qui vous savez ;-). Cette incursion dans le passé de Meredith est indispensable.
Chacun d’entre nous possède ses failles. Meredith n’échappe pas à la règle.
Parfois, un événement heureux ou tragique nous ouvre une voie. Nous nous y engouffrons pour devenir celui ou celle que nous sommes.
Le Silence du ruisseau plonge Meredith dans son passé. Un passé sombre, torturé, un passé qui vous dévoilera le chemin qu’elle a décidé de suivre.
Ses failles psychologiques l’ont façonnée. Ses fêlures ont joué un rôle crucial dans sa décision de devenir profiler, lui permettant de déchiffrer les enquêtes d’une manière unique.
Quoi qu’il en soit, je suis en pleine préparation d’un troisième opus pour la collection Black Switch (thriller) et la collection WitchCross (fantasy), les sorties pour l’une et l’autre des collections sont prévues pour fin 2024. Il y a une bonne raison pour ça, j’écris un cosy mystery, sortie prévue au printemps 2024.
Je vous dévoile le pitch 😉 :
« De mystérieuses initiales gravées sur un journal intime, poussent Charlotte, une jeune généalogiste, à démasquer un corbeau et résoudre les crimes sordides d’un chat et d’un notable afin d’innocenter sa tante. »