Interview : Alexandra Vieira

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

C’est mon éditrice qui m’a fait découvrir le Prix des auteurs inconnus. Qu’un prix aille dénicher de nouveaux talents encore méconnus pour les mettre en lumière, c’est une belle ambition !

J’ai été surprise et touchée que mon premier roman, Julia Florista, ait été repéré dans le cadre des sélections.

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Julia Florista, son livre en lice !

Vous avez été professeure de lettres avant de poursuivre un chemin qui vous a menée à l’écriture. Comment s’est fait ce chemin ?

Plutôt que l’écriture après l’enseignement, je dirais que tout a existé en parallèle.

Comme beaucoup de romanciers, la passion pour les mots m’anime depuis l’enfance. J’aime partager et transmettre, alors je me suis orientée vers l’enseignement du français. Déjà à l’époque, j’avais des ébauches de romans et en particulier, celle de Julia Florista. Mais le projet n’était pas encore mûr. J’ai exercé dans plusieurs établissements, ce qui m’a inspirée pour tous les passages liés au monde scolaire, l’atmosphère en salle des profs, les rapports avec les élèves qui peuvent être très forts…

J’ai exercé depuis d’autres métiers mais je n’ai jamais cessé d’écrire. Ces deux dernières années, les semaines ont été si bien remplies que j’ai décidé de me consacrer exclusivement à ma passion pour les mots et la transmission. Aujourd’hui, je me professionnalise comme animatrice radio (j’anime depuis un an un programme culturel sur Aligre FM, la plus ancienne radio associative parisienne). Je continue à écrire.  J’ai par ailleurs fondé Apostrophe pour proposer des prestations de relecture-correction, conférences et animation événementielle.

Vous écrivez de la romance et même, vous la revendiquez « plutôt pimentée ». Est-ce que cela correspond à vos goûts de lectrice ? Est-ce que vous pourriez écrire d’autres genres ? Quelles sont vos sources d’inspiration, de quel·le·s auteur·e·s vous sentez-vous proche ?

Je ne suis pas à l’aise avec les étiquettes, en particulier avec celle de romance. J’aime écrire des histoires de femmes. J’aime évoquer la sensualité et le désir, la rencontre et la séduction. Mais pas forcément des happy ends. D’ailleurs, une chanson des années 80 nous rappelle que « les histoires d’amour finissent mal, en général ». Dans Julia Florista, j’aborde des thèmes plus graves, comme le délitement du couple et l’infertilité. La musique occupe aussi beaucoup de place. Je ne saurais dire si j’écris de la romance. En revanche, je revendique le piment, car sans lui, la vie et les histoires seraient trop fades !

J’adore les auteurs français du 19e siècle : leurs récits et leur style restent incomparables. Ce qui m’inspire plus directement reste éclectique : les chutes implacables des nouvelles de Dino Buzzati, l’exploration des passions par Zweig, la maestria de Maeve Binchy pour créer, à travers l’ensemble de son œuvre, un univers fictif fortement ancré dans la ville de Dublin, les personnages décalés du Portugais João Tordo…

Parlez-nous de votre processus d’écriture. Etes-vous une autrice architecte qui planifie tout, ou une autrice jardinière qui se laisse surprendre par sa propre histoire ?

Julia Florista, mon premier roman, a été une expérimentation. J’ai mis plusieurs années à l’écrire et le réécrire. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai intégré qu’il fallait que je structure mon travail que j’ai pu faire aboutir le projet. Depuis, je planifie tout : je passe au moins deux ou trois mois à faire connaissance avec mes personnages. Je créée leur parcours de vie, leurs goûts, leurs habitudes, leurs manies et même leurs préférences vestimentaires. Ensuite, je repère les lieux dans lesquels ils évolueront. Puis je prépare chaque scène. Ce n’est que parce que j’ai cette architecture, très précise et claire, que je peux me laisser surprendre par des idées nouvelles au fil de l’écriture.

Le papier et le crayon ont-ils encore une place dans votre travail ?

J’ai toujours un carnet sur moi pour recopier des passages de livres que je trouve bien écrits, dont j’aime l’effet ou le sens, retranscrire des phrases que j’entends, noter mes idées. Dès qu’il s’agit de travailler les textes eux-mêmes, nouvelles ou romans, j’utilise mon ordinateur portable.

Poussons la curiosité encore plus loin… Avez-vous une playlist dédiée à l’écriture ?

Je suis très sensible à la musique et… au bruit. Si j’écoute de la musique, c’est parce que mon roman parle de telle ou telle chanson. J’étudie alors les paroles et la mélodie pour savoir comment les utiliser dans mon histoire. Sinon, j’ai besoin de silence. C’est pourquoi j’écris le matin très tôt, quand toute la famille dort encore.

Parlez-nous de Julia Florista. Comment vous est venue l’idée de l’écrire ?

Plus jeune, j’ai été marquée par l’histoire d’un garçon qui, à seize ans, avait eu une aventure avec une femme mariée qui avait le double de son âge. À peu près au même moment, j’ai découvert le remake américain Infidèle, avec le bel Olivier Martinez et l’excellente Diane Lane. Une femme qui a tout pour être heureuse — le mari est interprété par Richard Gere tout de même — succombe aux charmes d’un jeune Frenchie. L’histoire, qui se termine mal, m’avait intriguée : peut-on devenir infidèle si l’on aime et si l’on est aimée ? En plus d’un triangle amoureux, j’avais envie de parler de la culture portugaise en France, un sujet qui me tient à cœur puisque je suis aussi portugaise.

Couverture sur roman Julia Florista d'Alexandra Vieira. On y voit une femme de dos qui regarder s'éloigner un bus.

Le fado est au cœur du livre. Est-ce une musique avec laquelle vous avez un lien particulier ?

Le fado est justement ce qui m’a permis d’évoquer la culture portugaise à Paris. Ce genre musical, qui est né au 19e siècle dans les faubourgs de Lisbonne, est encore très vivace au Portugal. On le chante aussi à Paris. Mon mari, guitariste, accompagne depuis années des fadistas, des chanteurs et chanteuses de fado. C’est dans son sillage que, depuis 2018, je me suis mise à chanter puis à animer des concerts de fado en région parisienne.

En quoi le Portugal est-il un cadre idéal pour une romance ?

Le Portugal se prête très bien aux histoires d’amour et aux émotions en général. Les paysages, le soleil, les habitants, le patrimoine et la cuisine sont une invitation à lâcher prise, s’émerveiller et à prendre du plaisir. Dans mon roman, Lisbonne est une parenthèse enchantée.

L’humour vous permet-il faire passer des idées plus graves ?

Si l’on veut toucher ou interpeler les lecteurs sur des sujets sérieux, sans les heurter ni les bousculer, l’humour est indispensable. Un de mes personnages, Antoine, homosexuel et flamboyant, reçoit, pendant qu’il fait cours, un objet qui aurait pu le blesser au visage. Cet incident constitue aussi une réalité du métier d’enseignant.

Ce qu’il est convenu d’appeler « les incivilités » en milieu scolaire constitue un sujet inquiétant et, hélas, pas anecdotique du tout. Je voulais que cet élément aussi fasse partie de mon évocation de ce collège de banlieue parisienne. L’établissement où travaillent Christine, l’héroïne, et son collègue Antoine fait partie de ces collèges tranquilles et sans histoire. Pourtant, dans ces endroits aussi la violence, verbale, parfois physique, peut surgir.

Sans l’ironie et l’auto-dérision d’Antoine, la scène du projectile aurait pu plomber l’atmosphère. Or ce n’est pas mon but. Sans renoncer à aborder des sujets difficiles, je veux que les lecteurs continuent de sourire, même dans les passages les moins légers.

Comment avez-vous rencontré votre éditeur ?

J’ai envoyé mon texte dans le cadre d’un appel à manuscrits que les éditions Plumes de Marmotte organisaient. J’ai été rapidement recontactée par l’éditrice. Pour mon premier roman, j’avais besoin de la reconnaissance d’un professionnel de l’édition. Que quelqu’un du métier me dise « J’estime ton travail assez valable pour parier sur sa commercialisation » était important pour moi.

Qu’apportent un éditeur et une maison d’édition par rapport à l’auto-édition ?

Ce que j’aime faire, c’est écrire et parler de mon livre ensuite. Or il y a autour de ces deux grandes étapes, beaucoup d’autres étapes pour lesquelles je ne suis pas compétente. J’ai été formée à l’université à la relecture et à la correction. J’en ai fait en maison d’édition, et maintenant à mon compte. Mais on est toujours le plus mal placé pour se corriger ! Il a aussi la composition, l’impression, la diffusion… Autant de travail pour lequel j’avais besoin d’une maison d’édition, surtout pour un premier roman.

Mon avis sur l’auto-édition a beaucoup évolué, car j’ai découvert d’excellents romans auto-édités. Pour le moment, je me sens bien chez Plumes de Marmotte. Avec les autres auteurs qui sont publiés dans cette maison, il y a une camaraderie que j’apprécie beaucoup. Nous formons la famille des Marmottes.

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

J’organise des présentations de mon livre, souvent en lien avec des concerts de fado. Je suis plutôt active sur les réseaux sociaux. Au début, j’ai sollicité les médias locaux et ceux qui sont proches des milieux lusophones et lusophiles. Aujourd’hui, je reçois des invitations pour parler de mon parcours et de mon roman. Je réponds toujours avec beaucoup de plaisir à ces interviews ou projets d’événements.

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

J’ai signé avec Plumes de Marmotte pour mon deuxième roman, qui paraîtra fin 2023. Une histoire de femme pour qui la musique joue un rôle salvateur à un moment où tout s’effondre dans sa vie. J’écris en ce moment un troisième roman qui parle d’une quadra célibataire, de musique… et de nourriture ! Comme j’aime aussi écrire des nouvelles, j’ai créé avec deux amies une série de nouvelles sonores et illustrées, Sens dessus dessous, qui met en avant les sens. On peut trouver Sens dessus dessous sur Instagram et YouTube. Les dessins sont signés de l’illustratrice Angela Satori et la voix de braise est celle d’Isabelle Grolleau. Nous avons publié sept histoires pendant l’été. Nous travaillons à une surprise à l’approche de Noël.

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