Interview : Magali Discours

Magali Discours est en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus, dans la catégorie « littérature blanche ». Sa réaction quand elle  a su qu’elle était sélectionnée pour le Prix :

Je l’ai reçu comme un cadeau ! Puis j’ai vite coupé des tranches d’oranges pour trinquer au spritz avec la famille et les copains autour de cette épatante nouvelle

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Si c’est pas sûr c’est quand même peut-être, son livre en lice.

Réédition

Le roman de Magali Discours est dorénavant publié par les Éditions de l'Archipel sous le titre : Quand les hasards sont des rendez-vous.

Vous êtes professeur d’italien, vous vous présentez comme « passionnée par tous les domaines de l’art », la musique joue un grand rôle dans votre livre… Vous avez manifestement une fibre artistique et littéraire : comment êtes-vous venue à l’écriture ?

L’art me fascine et me touche. C’est, pour moi, le moyen de communication le plus noble et sophistiqué parce qu’il n’est pas seulement vecteur d’informations, mais c’est un langage plus complexe d’émotions et de sensations, tout un univers vibrant.

Depuis l’enfance, je me suis essayée à une multitude d’expressions artistiques : la musique, la danse, le théâtre, le dessin, la peinture et bien sûr l’écriture. Je me suis vite aperçue que l’écriture était le moyen le plus aisé pour moi et que grâce aux mots je pouvais accéder au cœur et à l’esprit de mes semblables. C’est passé, tout d’abord, par la parole : le discours, oserai-je dire ! J’ai toujours été une grande bavarde dès les classes enfantines. J’ai commencé par jouer la comédie grâce à un instituteur pagnolesque qui nous avait initiés au théâtre ! C’est resté une grande passion et j’ai suivi les cours de l’école de Jacques Weber à Nice. Puis, j’ai troqué les planches contre les estrades de l’éducation nationale.

Après la parole prononcée, la parole écrite m’a donné de grandes satisfactions : la fierté d’entendre mes professeurs citer les passages de mes rédactions à la classe, la jubilation de découvrir le pouvoir que mes lettres d’amour adolescentes exerçaient sur le cœur de mes amoureux…
J’ai assez vite compris que je maniais mieux le stylo que l’archet. Mes parents ne se sont pas entêtés longtemps à me faire apprendre le violon… Plus tard, j’ai quand même tenté la guitare puis le piano, mais je dois me rendre à l’évidence, je ne suis pas douée ! En réalité, je me rends compte que j’aime surtout la musique qui accompagne les mots comme l’opéra (si romanesque et théâtral !). Le menton coincé contre mon violon m’obligeait au silence, alors que j’adore chanter. J’aime la chanson à texte dans les langues que je comprends, car ce qui me plaît vraiment c’est la musique et la poésie des mots ainsi que les histoires qu’elles véhiculent. J’ai souhaité accompagner mon roman d’une bande-son parce que nos vies résonnent de refrains, c’est un patrimoine commun. On peut d’ailleurs retrouver la playlist de Si c’est pas sûr c’est quand même peut-être sur Deezer.

Pour la danse, mon corps a très vite montré ses limites, même si je ne m’interdis pas, encore aujourd’hui, quelques arabesques dans mon salon sur Le lac des cygnes ou une exhibition façon Flashdance en pyjama !

Écrire est ce qui me coûte le moins d’efforts et me procure le plus de plaisir et c’est le moins incommodant sur le plan visuel et sonore pour mon entourage ! Un livre après tout ça se referme sans bruit… et personne n’en souffre.

Je peins aussi et je me soucie peu d’en tirer gloire. J’aime simplement le geste et l’odeur de la térébenthine, la pâte sous le pinceau et les glissades sur la toile… Je suis une manuelle. Entre la peinture, la cuisine et l’écriture, je ressens une sorte de connivence. Ces trois arts sont les plus adaptés aux pouvoirs de mes mains. Ils sont mes biais privilégiés vers le beau, le bon et le bien.

Pour autant, votre métier n’est pas un métier artistique : vous êtes enseignante. Mais il est vrai que vous avez choisi une discipline littéraire. Est-ce que vous le vivez comme un atout pour écrire de la fiction ?

C’est ma sensibilité littéraire qui m’a menée à l’enseignement d’une langue, et pas n’importe laquelle : l’italien ! C’est le langage mélodieux de l’art et de la culture. C’est une clé qui permet d’accéder à une histoire et un patrimoine qui nourrissent sans doute mon imaginaire.

J’enseigne ponctuellement en histoire de l’art et je dirige une troupe de théâtre. Je m’investis beaucoup dans la préparation des élèves à la nouvelle épreuve du baccalauréat, le « Grand oral ». Donc l’art et le langage sont mes outils de chaque jour.

Je ne peux pas dire que mon quotidien d’enseignante soit une porte ouverte à la fiction, mais je pense plutôt que ma créativité est un atout dans ma mission de pédagogue. J’essaye de vendre un peu de rêve à mes élèves… Dans mon écriture comme dans mon métier, je tâche d’être une passeuse. La transmission : voilà ce qui m’enthousiasme !

Qui dit passeuse dit maillon d’une chaîne qui a commencé avant elle… alors, de quelle chaîne êtes-vous le maillon ?

Mes sources d’inspiration sont évidemment liées à ma formation intellectuelle très littéraire. J’ai étudié les langues et l’Histoire à l’université. J’ai appris la grâce du langage auprès des auteurs français, italiens, allemands et russes et je pense avoir formé mon goût de l’intrigue, de l’anecdote, du fait réel, sur les bancs de la faculté de sciences humaines.

L’auteur qui me touche le plus – parce qu’il a l’accent de mon enfance – était aussi un professeur de langue qui a su magnifier les mots simples dans sa prose comme au théâtre et au cinéma : c’est Marcel Pagnol !

Récemment, je me suis découvert quelques familiarités avec Colette, femme de lettres et comédienne. Sa liberté et son audace me séduisent. Les citations de Colette sonnent comme des vérités à mon oreille : « Faites des bêtises, mais faites-les avec enthousiasme ! » Elle a donné la plus jolie définition que je connaisse du travail d’écrivain : « Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne ».

À part les grands auteurs qui sont des sortes de maîtres dans « l’art de dire », mes sources d’inspiration se trouvent nichées dans tous les petits détails simples de la vie et aussi dans l’actualité et dans l’Histoire que j’essaye toujours d’envisager par le petit bout de la lorgnette. Je m’intéresse moins au sort des puissants et aux grands enjeux du monde qu’aux modestes récits des destinées individuelles.

Voilà une transition rêvée pour en venir à votre livre, Si c’est pas sûr c’est quand même peut-être. Il semble être un cri du cœur : comment vous est venue l’idée de l’écrire, quel a été votre cheminement ?

La rédaction de Si c’est pas sûr c’est quand même peut-être s’est imposée à moi. Contrairement à ce que beaucoup de mes lecteurs imaginent, c’est une véritable fiction. L’histoire de Papé m’est tombée toute cuite pendant une sieste estivale au bord de mer en 2018. Je venais de passer une semaine chez une amie écrivain sur l’île de Stromboli et la voir travailler chaque jour à son roman a été une révélation : « Voilà ce que j’ai à faire ! » Après ce fut comme une éruption volcanique. J’ai commencé à rédiger le roman en septembre et j’y ai travaillé dix mois de façon assez intense.

Ce n’est pas autobiographique, d’accord, mais vos personnages ont des personnalités si marquées qu’on jurerait que vous les avez rencontrés… Quels rapports entretiennent pour vous la réalité et la fiction ?

Alors non, je n’ai pas connu ce brave Papé, ni Jocelyne, ni Lisa et sa troupe… Ils sont venus me chuchoter leur histoire tour à tour… Il y a sûrement un peu de magie là-dedans !

J’avais envie de parler de transmission, d’héritage, de liens entre générations, entre amis, entre amants. J’ai de l’affection pour les gens simples sans véritables noirceurs et sans total héroïsme. Alors j’ai dépeint des personnages qui ressemblent à tout le monde, avec leurs bonheurs et leurs chagrins – rien de sensationnel, mais la vie extraordinaire des gens ordinaires. Je voulais que tout cela soit ancré dans une réalité, celle du XXe siècle, car j’éprouve un peu de nostalgie pour cette époque, une nostalgie heureuse, celle de l’enfance qui trouve toujours quelques réconforts au milieu des drames.

Je suis née dans les années 70 et tout le reste de ce siècle est contenu dans les bagages de mes anciens. Mes enfants sont nés aux débuts des années 2000 et je me sens à cheval entre deux mondes : une passeuse de siècle.

Au final, tous mes personnages sont inventés, mais modelés d’une chair bien réelle : un véritable patchwork de gens connus, aimés ou entrevus. En ce qui concerne les évènements : les ressorts de l’histoire sont fictifs, mais chaque anecdote historique ou d’actualité est vraie. J’ai fait beaucoup de recherches notamment dans les journaux d’époque pour ancrer mon imagination dans un terreau réel.

Certains détails sont tirés des valises de ma famille et de mes souvenirs d’enfance. Mais démêler le vrai du faux reste très compliqué. Alors : si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être…

Une autre façon d’aborder ce thème des rapports entre fiction et réalité, c’est de parler de voyage, car votre roman fait voyager : les villes où il se passe sont-elles des villes que vous connaissez et aimez ?

Les villes évoquées sont les étapes de ma propre existence, des endroits que je connais très bien et que j’aime. J’ai trouvé amusant d’installer cette histoire sur le trajet de ma vie : le tracé du train Nice-Paris, « le Mistral » et ses escales. Il y a effectivement une part d’autobiographie dans cette façon de voir la vie : un défilé de paysages et de villes, une ribambelle de visages plus ou moins connus. C’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de personnages dans ce roman choral : on les croise, on les aime, ils nous accompagnent et parfois on les perd en chemin…

Ce que vous avez croisé sur votre chemin littéraire, en tout cas, c’est aussi l’auto-édition. Quels sont ses avantages par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

Le choix de l’auto-édition n’est pas le fruit d’une démarche très réfléchie. J’avais juste envie que mon roman existe et puisse être distribué à qui voulait bien le lire. Le monde de l’édition traditionnelle me semblait inaccessible. J’ai juste choisi la facilité ! Librinova m’offrait la possibilité de créer librement mon livre numérique et papier, une large diffusion en librairies traditionnelles et cette « plateforme éditeurs » qui laissait une porte ouverte à d’autres opportunités. Je me suis dit « sait-on jamais ? »

Dans cette aventure, comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

J’étais toute ravie que mon roman soit publié, quelle que soit la formule. J’ai rencontré un succès immédiat auprès de ma famille et de mes amis dans un premier temps puis le bouche-à-oreille a fait le reste et j’ai commencé à avoir des retours très gratifiants d’inconnus dans ma région, sur internet… Les libraires de ma ville ont même commandé du stock et ont fait de beaux paris sur mon livre (il n’est pourtant imprimé qu’à la demande sans possibilité de retour). J’ai fait quelques efforts d’auto-promo sur les réseaux, mais je ne suis pas sûre de bien m’y prendre. C’est toujours mieux quand d’autres vantent votre travail !

C’est bien ce qui est arrivé puisque vous avez déjà obtenu un prix dans l’auto-édition pour ce livre, le prix des étoiles de Librinova. Parlez-nous de cette aventure, comment est-ce qu’elle change votre parcours d’auteur ?

Je n’avais nourri aucun espoir particulier au sujet du prix des étoiles Librinova, je me pensais noyée dans la masse, et à aucun moment je ne me suis sentie dans les startingblocks. Ma sélection parmi les 50 finalistes m’a déjà bluffée et je suis complètement tombée des nues (ou plutôt montées aux nues !) quand j’ai reçu le premier prix ! Je l’ai vécu comme une véritable reconnaissance et ce prix m’a procuré une confiance et une forme de légitimité à écrire. C’était assez bouleversant de découvrir à quel point des inconnus pouvaient avoir été touchés par mes mots et avoir aimé ce livre.

Ce prix était soudain la promesse d’une audience plus large et d’un accompagnement vers les maisons d’édition puisqu’il m’a offert de signer un contrat d’agent. Je me suis prise à rêver un peu d’une seconde vie pour mon roman. J’ai reçu le prix en février et l’épidémie nous a tous cloîtrés en mars. Tout s’est brutalement arrêté. À ce jour, Si c’est pas sûr c’est quand même peut-être n’a pas encore rencontré son éditeur, mais il continue à procurer de beaux moments à ces lecteurs, n’est-ce pas là l’essentiel ?

Et ce livre n’en a pas fini de séduire puisque j’ai eu l’immense plaisir de le voir trôner parmi les 5 finalistes du Prix des Auteurs Inconnus. Du coup je me dis que c’est une chance d’être une auteure inconnue pour pouvoir y participer. Grâce à cette sélection, je profite de la belle vitrine que m’offrent les nombreuses chroniques du jury, j’ai noué de nouvelles connaissances et de belles amitiés (notamment avec un de mes concurrents !).

C’est somme toute une très belle aventure. Va-t-elle continuer avec un nouveau livre, en avez-vous un en tête, ou un autre projet d’écriture ?

Je suis de nature optimiste alors j’attends la suite avec enthousiasme, je fais confiance à la vie et à ses cadeaux inattendus… Mais je n’attends pas les bras croisés ! Mon stylo court toujours sur le papier et mon clavier d’ordinateur cliquette ! Mon deuxième roman est bien entamé, et si ça peut vous mettre l’eau à la bouche : il sera plein de saveurs à déguster…

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