Interview : Garance Solveg

Interview : Garance Solveg

Pour introduire l’interview, pouvez-vous dire deux mots sur la manière dont vous avez connu le prix, décidé de candidater, et réagi lorsque vous avez su que vous étiez sélectionnée ?

J’ai connu le prix tout simplement en faisant des recherches sur Internet afin de trouver des prix ouverts aux auteurs auto-édités. Il n’y en a pas beaucoup, et j’étais vraiment ravie de découvrir celui-ci, c’est une très belle initiative pour encourager de nouveaux auteurs !

Je me suis sentie très honorée, et même complètement euphorique, lorsque je l’ai appris que j’avais été sélectionnée dans la catégorie Littérature blanche.

 

La sœur retrouvée n’est pas votre premier roman. Comment s’est fait le chemin qui vous a amenée à écrire pour être lue ?

 

Depuis que je suis toute petite je veux écrire des livres, c’est un rêve d’enfant qui ne m’a jamais lâchée. Après plusieurs années de blocage, à l’âge de 28 ans, j’ai enfin osé m’inscrire à un atelier d’écriture, et la trame de mon premier roman, Cheveux aux Vents, s’est rapidement imposé à moi.

En revanche, j’ai mis de longues années à l’écrire car je n’étais pas très organisée. Par exemple, je n’écrivais que le dimanche, ce qui n’est pas idéal pour avancer rapidement dans un projet au long cours tel qu’un roman. Et puis, il faut dire ce qui est, j’écrivais trop long, trop dilué ! J’ai eu la chance de bénéficier d’un retour de lecture de la directrice littéraire des éditions Mazarine, à l’occasion du Mazarine Bookday 2019, qui a été une véritable claque et m’a fait prendre conscience des faiblesses de mon approche. J’ai retravaillé mon premier jet pour le rendre plus percutant, j’ai dégagé plus de temps dans mon emploi du temps, et j’ai enfin finalisé Cheveux aux Vents, qui est sorti en 2021 aux éditions Ex Aequo, une petite maison indépendante.

Concernant les autres auteurs, je voue une admiration particulière à Marie Vareille, qui réussit toujours à m’emporter, à la fois par la force de ses intrigues, par leur extrême actualité, et par la vivacité de son style. Sinon, j’ai un faible pour la littérature étrangère, car j’adore m’immerger dans d’autres pays et d’autres cultures : je peux par exemple citer Nadia Hashimi (j’ai dévoré La Perle et la coquille et ses autres ouvrages), Alka Joshi pour sa brillante trilogie Jaipur, sans oublier divers auteurs de thrillers scandinaves, un genre que j’affectionne tout particulièrement 😊.

Bref, le voyage est une grande source d’inspiration pour moi. La Chine et le Japon m’ont toujours fascinée, depuis que je suis petite. J’avais déjà amassé un certain nombre d’informations sur ces pays, leur histoire et leur culture, et j’ai continué d’effectuer des recherches dessus même lorsque je travaillais sur mon premier roman.

En fait, La sœur retrouvée était dans un coin de mon esprit depuis longtemps. Je savais que je voulais écrire un livre en rapport avec la Chine et le Japon. Le plus compliqué a peut-être été de trouver le sujet précis de l’intrigue, et l’angle sous lequel l’aborder.

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire sur l’invasion japonaise du Mandchoukouo, qui est peu connue en France ? Aviez-vous un intérêt particulier pour l’Asie, est-ce que vous vous êtes inspirée de l’histoire d’un proche ? Comment avez-vous fait pour vous documenter avant l’écriture et pendant ?

Étant moi-même une grande lectrice, je suis beaucoup les groupes de lecture sur les réseaux sociaux, et j’ai remarqué un fort intérêt des lecteurs autour de la Seconde Guerre mondiale. Moi qui cherchais un angle pour l’histoire que je voulais situer en Chine et au Japon, cela a fait tilt. Je me suis dit qu’il pourrait justement être intéressant d’aborder la Seconde Guerre mondiale du côté asiatique, qui est peu connu en France.

C’est à ce moment là que j’ai su que j’allais situer mon intrigue au Mandchoukouo. J’avais découvert l’histoire de cette province du Nord de la Chine annexée en 1931 par l’armée japonaise à travers le magnifique roman de Shan Sa, La joueuse de go et à travers le film Le dernier empereur, et j’avais été captivée par ces œuvres.

Ce cadre vous a obligée à plonger dans des épisodes très durs de l’histoire. Avez-vous eu besoin de faire un travail particulier pour vous protéger, ou avez-vous réussi à retranscrire ces vérités historiques brutales avec détachement ?

 

L’armée japonaise s’est rendue coupable des pires exactions dans toute l’Asie, mais aussi tout particulièrement au Mandchoukouo, qu’elle avait mis en coupe réglée. Beaucoup de ces crimes sont encore tabous aujourd’hui au Japon, à la différence de ce qui s’est passé en Allemagne, où il y a eu un travail de mémoire en profondeur sur les crimes nazis.

La Sœur retrouvée explore ce côté obscur du Japon. En fouillant le passé familial pour sauver sa sœur, mon héroïne va carrément exhumer un des secrets les mieux gardés de la Seconde Guerre mondiale.

Je m’étais documentée principalement avant la phase d’écriture du roman, mais j’ai continué à le faire aussi pendant l’écriture, en diversifiant les sources : livres d’histoire, documentaires, témoignages, romans, films, manuels de sociologie…

Ce travail était parfois dur en effet, car ce qui s’est passé au Mandchoukouo pendant la Seconde Guerre mondiale dépasse l’entendement en termes de cruauté.

Mais j’étais convaincue qu’il fallait mettre ces faits en lumière car je crois très fort au pouvoir de la mémoire. Comme l’a dit très justement Mary Lynn Bracht, l’auteure de Filles de la mer sur les femmes de réconfort (une des exactions majeures de l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale), il faut se souvenir du passé pour l’empêcher de se répéter. C’est d’ailleurs révélateur que les dictatures commencent par supprimer les cours d’histoire des programmes scolaires !

Je suis heureuse de contribuer à cette mémoire à mon modeste niveau : beaucoup de lecteurs m’ont écrit pour me dire que La Sœur retrouvée leur a fait apprendre une foule de choses qu’ils ignoraient sur le Japon et la Seconde Guerre mondiale en Asie.

Un secret de famille est-il protecteur ou destructeur, et comment peut s’en emparer la littérature ?

Pour finir, je dirais qu’un secret de famille peut être à la fois protecteur et destructeur. Protecteur car on observe très souvent le même schéma : les plus grandes souffrances, les plus grands traumatismes, s’accompagnent d’abord d’une période de silence. Comme si le silence était nécessaire pour soigner, guérir, panser les plaies. Et c’est bien après, parfois des décennies après, que la parole se libère et que le secret vole en éclats, parce qu’il n’est plus nécessaire et qu’il peut alors devenir destructeur s’il n’est pas transmis et partagé.

Le secret de famille est un thème fort en littérature, il permet de suivre des familles sur plusieurs générations et d’aborder de vastes périodes historiques. Cela permet souvent des romans à double ou même à triple temporalité, comme Filles de la Mer, ou La maison aux sortilèges de Emilia Hart autour des procès en sorcellerie du 17e siècle. J’adore ce type de narration, qui maintient selon moi un bon niveau de suspense et qui montre à quel point, au sein d’une famille, nous sommes reliés à nos ascendants et descendants, même si nous n’en avons pas conscience.

Vous êtes passée par une maison d’édition. Comment êtes-vous venue à l’auto-édition, comment avez-vous choisi Librinova ? Comment s’est fait le chemin jusqu’à la nouvelle publication de La sœur retrouvée chez Charleston sous un nouveau titre, Les cerisiers fleurissent la nuit ?

Après mon premier roman édité par une petite maison indépendante, j’ai décidé de tester l’autoédition. J’avais envie d’être totalement libre de mes choix éditoriaux, de maitriser de A à Z mon livre, de la phase créative (choix du titre, de la couverture, etc…) à la phase de commercialisation.

Le plus difficile pour un auteur peu connu, c’est la promotion. Et l’autoédition me laissait plus de marge de manœuvre pour assurer la promotion de mon livre, en me permettant de jouer sur le prix de la version numérique par exemple, en le baissant à certaines périodes pour faire des promotions éclairs par exemple. Et puis j’avais lu d’excellents romans autoédités, je n’avais donc aucun préjugé. Je vous dirai même qu’un des thrillers les plus saisissants que j’aie jamais lus (pour ne pas le citer : La mante nue, de Lukka Tahtieazym) est un ouvrage autoédité.

J’ai choisi Librinova sur les conseils d’une amie autrice, et je n’ai eu qu’à m’en féliciter. C’est une équipe de professionnels du monde de l’édition, extrêmement compétente, humaine et professionnelle, et je trouve leur catalogue de services aux auteurs très complet. Je savais que je voulais être en auto-édition, par exemple, mais pour autant je n’avais pas de temps à consacrer à la réalisation de la maquette, de la couverture, au dépôt du livre sur les différentes plateformes, à l’obtention de l’ISBN, etc… J’ai donc choisi une formule où j’ai délégué tous ces aspects techniques à Librinova, tout en étant décisionnaire à chaque étape du processus.

Un autre point fort de Librinova est la présence de leur agent littéraire, qui aide les auteurs à négocier leur contrat d’édition s’ils sont repérés par une maison d’édition traditionnelle. C’est inestimable pour un auteur d’être accompagné dans cette démarche et de bénéficier de l’expertise d’une pro qui connait parfaitement ce type de contrats.

Concernant mon passage chez Charleston, je vous avoue que je dois encore me pincer pour y croire !

Car Charleston est tout simplement la maison d’édition qui me fait le plus rêver depuis des années. C’est la maison de Marie Vareille, une de mes autrices préférées, mais au-delà j’ai toujours admiré leur catalogue, leurs couvertures, leur communauté si bienveillante sur les réseaux sociaux ! Apprendre que La sœur retrouvée avait gagné le Prix du Livre romantique et serait donc réédité chez Charleston était un moment incroyablement fort en émotion, et le début pour moi d’une nouvelle aventure.

Il y a eu un petit travail éditorial sur le texte avec Charleston (certains passages ont été retravaillés), et nous avons changé le titre en Les cerisiers fleurissent aussi la nuit pour ne créer aucune confusion avec la série Les Sept sœurs de Lucinda Riley, qui est une des œuvres phares du catalogue de Charleston. Personnellement, j’aime la poésie de ce nouveau titre et l’espoir qui s’en dégage, et j’ai tout de suite été très enthousiaste quand mon éditrice me l’a proposé.

Quels sont les avantages de l’auto-édition par rapport à l’édition traditionnelle, quels sont ses inconvénients ?

Pour revenir sur autoédition versus édition traditionnelle, l’autoédition est bien sûr garante de liberté et de souplesse.

Pour l’édition traditionnelle, travailler avec des professionnels tels que Charleston est incroyablement enrichissant et stimulant. L’éditeur donne son avis sur le texte, aide l’auteur à en retravailler certains aspects et à en tirer le meilleur, il a une expérience et un recul que l’auteur seul, qui est complètement immergé dans son texte, n’a pas nécessairement, ou n’a plus.

On forme une équipe avec son éditeur, on prépare ensemble la promotion, la communication, et c’est rassurant de se sentir accompagné.

Alors qu’en autoédition on est à la fois directeur littéraire, responsable marketing et communication, représentant commercial ! C’est super parce qu’on gère toute la stratégie de son livre comme un PDG gère son entreprise, mais quand on travaille à côté comme c’est mon cas, ça fait parfois beaucoup pour une seule personne 😊surtout quand il faut gérer les inscriptions aux salons, les déplacements, les envois d’exemplaires du livre en service presse aux blogueurs et instagrammeurs…

Enfin, un des points forts de l’édition traditionnelle est de pouvoir bénéficier d’une présence en librairie.

Quelle serait votre plus belle récompense d’autrice ?

Ma plus belle récompense d’autrice serait de pouvoir vivre de ma plume à 100%.

Avez-vous un autre livre en tête, un autre projet d’écriture ?

Et oui, je suis actuellement en train de travailler sur mon prochain livre 😊. Je suis en pleine phase de recherches, et je n’attends qu’une chose, pouvoir me plonger dans la phase d’écriture !

 

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