Les fleurs de nos mémoires ne fanent jamais
Katy Rinsbows
Prune. C’est le prénom que mes parents ont choisi pour moi. Les artistes le trouvent affriolant, les cartésiens le qualifient d’atypique, les charmeurs aiment dire qu’ils en raffolent, les mauvais conducteurs en parlent avec un humour noir quand ils les découvrent sur leur pare-brise et les plus honnêtes n’en font aucun commentaire.
J’ignore dans quelle catégorie classer mon amie Kathleen, rencontrée au collège et qui a fait de moi son « pot de confiture » jusqu’à la fin du lycée. Prendre le risque de contrarier Kathleen, c’était assurément perdre toute crédibilité dans une classe d’adolescents saturés d’hormones prêtes à exploser. C’est pourquoi j’ai accepté que ce surnom pèse sur les longues années de ma scolarité sans broncher.
En contrepartie, je me faisais une promesse. Celle de ne plus jamais laisser qui ou quoi que ce soit influencer mon propre avenir. J’ai donc élaboré un plan d’existence très précis dont les détails répondaient à chaque étape de la vie d’une femme accomplie et épanouie. Le suivre minutieusement, tel était mon engagement.
Rien ni personne ne pouvait désormais casser mon schéma parfaitement construit. Même pas les papiers du divorce déposés par mon mari sur la table du petit déjeuner, un matin du mois d’avril, entre le beurre et son verre de jus d’orange collant.
J’étais loin d’imaginer qu’une vieille légende de trois cents ans oserait, plusieurs semaines plus tard, pointer le bout de son nez dans mon destin tout tracé. Quel individu naturellement constitué croirait un mythe inventé juste pour attirer des touristes sur une île fauchée ? Aucun, me direz-vous… Avant l’histoire que je m’apprête à vous raconter, moi non plus… je n’y aurais jamais cru.