Interview : Rachel Fleurotte

Rachel Fleurotte est en lice pour le Prix des Auteurs Inconnus, dans la catégorie « littérature de l’imaginaire ». Elle nous raconte :

J’ai appris ma sélection un soir, en plein confinement, par le message d’une amie qui fait elle-même partie des cinq finalistes de ma catégorie. Passée la phase de surprise, ça a été un grand bonheur, j’ai mis le morceau d’Electric Light Orchestra, Mr Blue Sky, et je me suis mise à danser toute seule au milieu de mon salon, une vraie danse de la joie, sous le regard étonné de mon chat qui s’est demandé si j’avais perdu la tête. Aujourd’hui encore, ce souvenir me fait sourire.

C’est parti pour une interview autour de son parcours, de son œuvre, et de Les Uchroniques comtoises, sa saga dont le premier tome est en lice !

Vous écrivez depuis longtemps. Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

Je suis tombée très tôt dans la lecture, dès ma petite enfance, grâce à ma mère qui m’a donné l’amour des livres. J’ai toujours aimé me plonger dans différents univers grâce à la lecture.

A 13 ans, j’ai commencé à avoir envie d’écrire mes propres histoires, où je mettais en scène mon groupe d’amies, puis des fanfictions de séries télévisées que j’aimais.

C’est en terminale que j’ai vraiment commencé à développer mes propres univers, j’ai écrit mon premier roman sur la base d’une vision qui m’est venue un jour lors d’un cours de philosophie, puis j’ai commencé à en imaginer d’autres. Ce qui n’était qu’un passe-temps au départ s’est vite imposé comme une activité importante, et aujourd’hui encore, même s’il m’arrive parfois de rencontrer des passages à vide, l’écriture fait partie intégrante de ma vie, c’est une soupape de sécurité qui me permet de me déconnecter du quotidien.

C’est une indication importante sur vos sources d’inspiration… ce ne serait pas le réel, mais plutôt ce qui manque au réel ?

Pas entièrement. J’ai toujours été rêveuse, avec une grande imagination. Mais j’aime aussi puiser dans mes expériences, mes voyages, pour créer mes mondes, et je m’appuie ensuite sur des recherches dans les livres pour finir de structurer mes univers.

Pour ma série La Septième Prophétie, qui se déroule dans un monde imaginaire inspiré du Moyen-Âge, certains lieux doivent beaucoup à un voyage à Rhodes que j’ai fait il y a quelques années, au cours duquel j’ai eu l’impression de me promener dans les décors du roman que j’étais en train d’écrire. C’était une expérience troublante, mais enrichissante, et à mon retour, j’ai réécrit plusieurs parties du roman en m’inspirant de ce que j’avais vu là-bas, ainsi que des nombreuses photos que j’avais prises sur place, qui m’ont servi de base documentaire.

Pour ma série Les Uchroniques Comtoises, dont seul le premier tome, Les mystères de Joux, est paru pour le moment, j’essaie autant que possible de me rendre sur les mêmes lieux que mes héros, pour m’en imprégner et pouvoir vraiment décrire ces endroits qui me tiennent à cœur sans les trahir. Là aussi, je prends beaucoup de photos qui me servent à retrouver des détails, une fois dans la phase d’écriture.

Je peux être parfois très tatillonne, me focaliser sur des détails qui n’ont pas forcément d’importance pour le lecteur (il m’est déjà arrivé de me demander si un sol dans tel endroit était en marbre ou en parquet…), mais qui me paraissent indispensables pour donner plus de vérité à mon texte.

Sur cette base, vous écrivez de la littérature de l’imaginaire. Est-ce à l’image de ce que vous lisez ?

Avec le caractère rêveur dont je parlais, ce sont naturellement les littératures de l’imaginaire qui m’ont attirée, même si j’ai eu une période où je lisais aussi beaucoup de thrillers et de polars, qui m’ont inspirée pour trois de mes romans.

Un de mes premiers souvenirs de lecture qui m’ait marquée a été L’histoire sans fin de Michael Ende, ainsi que la saga Les dames du Lac de Marion Zimmer Bradley.

J’aime aussi la littérature fantastique du XIXème et du début du XXème siècles, Bram Stoker, Edgar Allan Poe, Baudelaire, Lovecraft, pour les univers qu’ils dégagent.

Comment vous est venue l’idée d’écrire Les Uchroniques comtoises ?

À l’origine, j’avais écrit des nouvelles pour différents appels à textes, dans lesquelles je reprenais ces personnages que j’ai envie de retrouver dans de nouvelles aventures. J’en avais écrit quatre au total, et aucune n’avait été retenue, elles restaient donc inédites.

J’ai eu envie de les reprendre pour les publier moi-même, et finalement, j’ai opté pour le format de petits romans, pour développer plus les personnages et l’histoire, sans la contrainte de taille des nouvelles qui est toujours limitée. Les mystères de Joux regroupent deux des nouvelles originales, et les deux autres nouvelles écrites dans cet univers me serviront de base pour de futurs romans de la série.

Le format de ces romans est assez court, entre 150 et 200 pages environ. Pourtant, j’ai souvent du mal à faire court, et je me laisse facilement entraîner par mon imagination trop prolifique : pour La Septième Prophétie, par exemple, ma série qui n’est pas partie de nouvelles, la première version était un seul tome de 400 pages environ ; dans sa version éditée, je suis passée à deux tomes, le premier fait plus de 400 pages et le deuxième plus de 700 pages !

Vous revendiquez vos origines franc-comtoises, et vous les mettez en valeur dans Les uchroniques comtoises, qui utilisent un langage particulier à la région et font référence à des légendes locales. Ces légendes ont-elles bercé votre enfance ?

Je suis née à Vesoul et j’ai vécu les vingt premières années de ma vie là-bas, avant de partir à Paris où je vis encore à l’heure actuelle. A mon départ, j’étais plutôt heureuse de découvrir de nouveaux horizons, une ville plus grande et riche culturellement, mais au fil des années, et particulièrement depuis quatre à cinq ans, j’éprouve un besoin de revenir à mes origines, de m’en rapprocher, d’autant que ma famille et ma meilleure amie vivent en Franche-Comté.

J’aime instiller dans mes romans des touches de parler comtois, des expressions, des particularités comme le fait de rajouter un article devant le prénom des gens dont on parle (une pratique que dans certaines régions, on peut trouver péjorative, mais qui chez nous est naturelle et ne reflète aucun mépris pour la personne ainsi désignée). J’ai même acquis récemment un ouvrage spécifique sur le sujet, pour pouvoir accentuer ce langage chez un des futurs personnages du tome 3.

Je connaissais bien sûr quelques légendes comtoises au cours de ma jeunesse, mais je les ai vraiment redécouvertes sur le tard, au moment du premier appel à textes qui devait s’appuyer sur une légende d’une région de France, et l’idée de choisir ma région natale a coulé de source. J’ai depuis enrichi ma bibliothèque sur la Franche-Comté de recueils de légendes, mais aussi de livres plus historiques, notamment avec des photos d’époque qui m’aident à reconstituer les lieux tels qu’ils étaient vers 1900.

Au final, votre livre mêle nostalgie du passé et rêve d’un monde merveilleux : une véritable uchronie. Cela correspond à ce que vous recherchez dans la lecture, vous nous l’avez dit, mais peut-être aussi dans la vie ?

Quand je lis un livre, j’attends de lui qu’il m’évade de la réalité et me fasse découvrir de nouveaux horizons, qu’il m’entraîne aussi parfois dans le passé. J’aime aussi qu’il m’emporte dans des mondes meilleurs, loin du quotidien. C’est pour cette raison que je lis très peu de livres de témoignages, ou même de littérature contemporaine. Cette nécessité d’évasion guide mes choix de lecture.

J’aime l’imaginaire et les uchronies pour l’alternative qu’ils représentent, la vision qu’ils apportent d’un monde qui pourrait exister et dans lequel je pourrais vivre.

Mon souhait, avec Les Uchroniques Comtoises (le titre de la série est d’ailleurs un jeu de mots qui mêle Chroniques et Uchronie), est de m’adresser à des lecteurs de tous les âges et de les entraîner dans un bon moment de lecture, avec des héros et des valeurs positifs, et une part de rêve.

Au cours de votre parcours d’écrivain, vous avez connu l’édition, et vous vous êtes lancée dans l’auto-édition. Les éditions Hydralune ont annoncé que vous allez rejoindre leur catalogue avec Les Uchroniques comtoises : félicitations. Pour vous, l’auto-édition est-elle un moyen de se faire connaître des éditeurs ?

Merci pour vos félicitations.

Pour moi, après plusieurs expériences en édition, l’auto-édition est plutôt une forme de liberté, puisque je garde la main sur la totalité du processus d’édition, en m’affranchissant de certains délais et en suivant mes propres choix. Bien sûr, la contrepartie est un travail beaucoup plus important que sans l’appui d’une maison d’édition, qui réclame différentes compétences aussi bien en écriture, corrections, communication. Mais au final, je reste décisionnaire sur tous les points importants et c’est ce qui m’a incitée à me lancer dans l’auto-édition en 2013.

Je rejoins aujourd’hui Hydralune avec Les Uchroniques Comtoises, car je connais ses membres depuis des années. Nous partageons les mêmes valeurs et avons souvent travaillé ensemble, sur nos différents romans et dans le cadre de la revue Etherval, spécialisée dans les littératures de l’imaginaire, dont je suis une des correctrices depuis longtemps. J’aime leur ligne éditoriale de romans à la croisée des chemins, qui mêlent différents genres et entraînent dans des univers différents d’un auteur à un autre. Nous partageons aussi un même amour de l’écriture et une même rigueur sur la qualité de nos textes, et je sais que mes romans auront leur place au sein de leur catalogue.

Comment faites-vous pour être un peu moins inconnue ?

C’est la partie la plus difficile pour moi au niveau de l’auto-édition, car je ne suis pas une grande communicante. J’utilise un peu les réseaux sociaux, mais je suis encore loin d’être une spécialiste et j’ai toujours peur de ne pas savoir doser. C’est un des points que je dois améliorer, grâce à des formations et à des témoignages d’autres auteurs sur le sujet.

Le fait d’entrer chez Hydralune va me permettre de m’appuyer sur l’équipe et de travailler avec eux sur ce point, en participant activement à la communication.

La meilleure façon pour moi de rencontrer le public est de participer à des salons ou à des séances de dédicaces, cela permet un contact direct avec les lecteurs. Malheureusement, depuis le début de la crise sanitaire, tous les salons auxquels je devais participer ont été annulés, je ne sais pas encore si j’aurai l’opportunité d’en faire un cette année ou si ce sera pour l’année prochaine.

Il n’empêche que l’auto-édition vous a déjà permis de vous faire remarquer, puisque vous avez déjà obtenu un prix littéraire dans ce monde (le Prix de l’Auto-édition 2015), pour Le tome 2 de La Septième Prophétie, Ranxor. Qu’est-ce que cela change dans le parcours d’un auteur ?

C’est déjà une reconnaissance qui aide à prendre confiance en soi : des lecteurs ont aimé votre roman et lui ont attribué ce prix, c’est une petite réussite personnelle.

Sur le reste, cela n’a pas changé beaucoup de choses, j’ai un peu communiqué autour de ce prix, mais cela ne m’a pas apporté beaucoup plus de ventes.

Mais c’est toujours un honneur de voir un de ses livres recevoir un prix quel qu’il soit, et un bonheur personnel également.

Vous êtes en cours d’écriture de deux séries : La septième prophétie, dont vous annoncez encore le tome 4, et les Uchroniques comtoises, dont Les mystères de Joux est le premier tome. Comment faites-vous pour mener deux séries en parallèle ? Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Ne pouvant pas encore vivre de l’écriture, je travaille comme assistante ressources humaines. C’est un métier intéressant, mais très prenant, et qui ne me laisse que les soirs et les week-ends pour écrire. J’essaie aussi d’utiliser mes trajets entre mon domicile et le travail, pour corriger mes textes ou écrire, quand les pavés sous les rues du bus ne m’en empêchent pas !

J’ai très longtemps travaillé sur La Septième Prophétie, puisque j’avais 18 ans quand cet univers est né de mon imagination. Il a grandi au fil des années, est passé par de nombreuses versions et a vraiment évolué quand j’ai rencontré d’autres auteurs, dont certains sont aujourd’hui des amis, par le biais d’un forum d’écriture, « l’Atelier d’Écriture ». Les trois premiers tomes sont sortis en quelques années, et je suis bloquée sur l’écriture du tome 4, qui comportera trois axes parallèles ; si les deux premiers sont clairs pour moi, le troisième est plus problématique, et je n’arrive pas à le résoudre. Je le garde donc dans un coin de mon esprit et j’espère y revenir prochainement, car c’est ma première série de cœur, elle est importante pour moi.

Du coup, je me suis concentrée ces deux dernières années sur Les Uchroniques Comtoises. Le tome 2, La Foire de Vesoul, qui se déroule en partie dans ma ville natale, sortira chez Hydralune dans la deuxième quinzaine d’octobre, en même temps qu’une réédition du tome 1 dans leur catalogue. Je suis actuellement dans la dernière phase de corrections, je touche au but.

Pour les mois à venir, je vais continuer cette série avec le tome 3, qui entraînera mes héros hors de Franche-Comté sur une partie du livre, et j’espère pouvoir reprendre aussi l’écriture du tome 4 de La Septième Prophétie, en alternant les deux. Peut-être profiterai-je du NaNoWriMo, au mois de novembre, pour avancer sur ces projets, car écrire en groupe, avec des amis, permet de nous soutenir mutuellement en nous encourageant.

Pour suivre l’actualité de Rachel Fleurotte,  rendez-vous sur :

2 réflexions sur “Interview : Rachel Fleurotte”

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