Interview : Geoffrey Legrand

Geoffrey Legrand est l’auteur du roman Osukateï – L’âme de l’Arbre-Mère, Tome 1 : Le seigneur de la branche, concourant dans la catégorie Imaginaire.

Comment vous est venue l’idée de votre roman ?

Je voulais décrire un monde de fantasy, exotique et enchanteur, qui nous arracherait du quotidien. Je cherchais aussi à créer un univers original, dans lequel on se plongerait avec cette impression « wahou, je n’ai jamais rien vu de tel ».

Je ne sais plus comment l’idée de l’Arbre-Mère s’est imposée, elle s’est construite petit à petit. Il s’est facilement écoulé deux ou trois ans entre l’écriture de la première scène (la naissance de Luwise) et le reste du roman. Le temps de mûrir l’ensemble de l’univers dont les premières touches venaient d’être jetées sur l’ordinateur. On y retrouve des influences médiévales européennes et japonaises ; la référence à Hayao Miyazaki n’aura échappé à personne. Deux univers qui nourrissent mon imaginaire depuis longtemps.

Quelles sont vos références en matière de littérature ? Votre genre de lecture de prédilection ?

Si je lis principalement des romans de fantasy, de science fiction et d’une manière générale, des différents genres de l’imaginaire, je suis un dévoreur de bandes dessinées dans tous les genres, de la BD d’aventure au roman graphique. Je suis par exemple un fan inconditionnel de Jirô Taniguchi (Quartier Lointain), Brian Vaughan (Saga) ou Bill Watterson (Calvin et Hobbes). Je puise beaucoup d’inspirations dans la bande dessinée. Certains auront peut-être reconnus les galères volantes du pays de Qâ visité par Thorgal de Rosinski et Van Hamme.

Certains auteurs de roman sont de véritables modèles en ce qui concerne le style. J’ai une grande admiration pour Jean-Philippe Jaworski et Alain Damasio que je ne peux qu’envier. J’ai récemment découvert Grégory de la Rosa et sa série Sénéchal. S’il lit ces lignes, je lui tire mon chapeau bien bas. J’aime beaucoup les romans d’aventure d’Alexandre Dumas ou la pièce de théâtre d’Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (le véritable Cyrano de Bergerac est un peu indigeste, mais intéressant tout de même). Et s’il fallait citer d’autres auteurs dont j’adore les œuvres : Neil Geiman, Ray Bradburry, George Orwell, Karim Berrouka, Raphaël Albert…

Et enfin, car je crois que ça a une réelle influence sur mes textes : je lis des essais d’Histoire-géographie ainsi que des atlas thématiques qui occupent, mine de rien, une part significative de ma bibliothèque.

Comment est venue cette passion de l’écriture ?

J’écris depuis tout petit. J’ai commencé par plagier La Fontaine. Après tout, il l’avait bien fait avec Esope. Bon, je me contentais de remplacer les personnages par d’autres animaux forcément mieux choisis.

En grandissant, j’ai remplacé mes Lego et mes Playmobil par l’écriture. Je racontais des histoires sur papier et non plus avec des jouets en plastique. C’était une façon de m’amuser, au moment de l’écriture comme à la relecture, lorsque je pouvais revivre des histoires inventées des mois ou des années auparavant. L’écriture reste aujourd’hui ce plaisir enfantin auquel s’est ajouté celui des mots.

Quelles sont vos passions en dehors de l’écriture ?

J’aime apprendre, découvrir de nouvelles choses et échanger avec les autres. J’ai la chance de voyager à l’étranger pour mon travail. C’est pour moi avant tout une opportunité de rencontrer des personnes de cultures différentes et de découvrir le monde à travers leurs yeux. Je m’y attèle également près de chez moi : j’aime discuter avec des gens aux opinions opposées aux miennes, confronter mes idées aux leurs, les remettre en cause si nécessaire. Certains diront que j’aime un peu trop ça…

S’il fallait choisir une passion particulière, ce serait sans doute l’Histoire. Je ne m’intéresse pas à un pays ou une époque en particulier. J’aime appréhender l’Histoire de l’humanité dans son ensemble, les liens entre les peuples et les forces qui tendent à les séparer. De l’autre côté du spectre, je m’intéresse aux petits détails des modes de vie des uns et des autres, aux instantanés d’un monde qui fut et dont nous sommes, de près ou de loin, les héritiers.

Votre livre est riche de références à la nature, à la spiritualité, pourquoi ces choix de thème ?

J’ai une formation en science de la vie et de la terre, les questions de nature et d’environnement ont occupé une place significative dans mon enseignement. Je ne suis pas du genre à sacraliser la Nature, je lui préfère l’Homme. Cependant, je déplore de le voir se comporter en parasite suicidaire. J’ai donc imaginé ce monde utopique de l’Arbre-Mère où l’humanité se serait construite en symbiose avec la Nature. Osukateï ne se veut pas donneur de leçons, mais une illustration de ce que pourrait être une relation harmonieuse, bien qu’en équilibre instable, entre Nature et sociétés humaines.

La magie et le lien spirituelle entre l’héroïne et l’Arbre-Mère est une manière de matérialiser les liens entre les humains et cette Nature personnifiée. Au quotidien, je conçois davantage la spiritualité comme une expérience intérieure, l’écoute de son corps et la recherche du bien-être, et non comme une sorte de force métaphysique qui unirait les êtres. C’est ce genre de quête de soi à laquelle se livre l’héroïne d’Osukateï pour trouver sa voie.

Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets d’écriture ?

Je suis en cours d’écriture (de réécriture en fait) d’Osukateï – tome 3 qui devrait paraître en 2020. Le tome 2 est en finalisation pour une parution vers la fin mai de cette année. J’ai également signé le texte de l’Encyclopédie des Dragons Légendaires à paraître aux éditions du Héron d’Argent, théoriquement en 2019. Je ne veux pas m’avancer sur la date de sortie, le boulot est désormais entre les mains de l’illustratrice. Des nouvelles paraîtront également cette année dans des anthologies aux éditions Noir d’Absinthe et Realities Inc.

Enfin, j’ai un projet de roman actuellement en pause (priorité à Osukateï 3). On quitte ici notre monde arboricole pour basculer dans un désert troué d’oasis.

Lorsque vous écrivez, avez-vous des manies ? Des rituels ? Un moment favori, un lieu préféré ?

J’écris plutôt tard le soir, c’est en général mon seul moment de libre. En vacances ou les week-ends, je préfère écrire en début d’après-midi. Quelle que soit l’activité, je ne suis clairement pas du matin (il n’y a qu’à voir ma tête avant le café…). J’écris au calme dans mon bureau ou dans une chambre d’hôtel. Grand voyageur, j’ai écrit dans des halls d’aéroport, mais franchement, je déconseille, même avec la musique à fond dans les écouteurs.

Dans les phases d’écriture, j’écoute de la musique épique (Two Steps From Hell, Peter Roe, du metal symphonique) avec peu ou pas de paroles. Peu de musiques de film, sinon j’ai tendance à me laisser distraire par les paroles et les réminiscences cinématographiques. En phase de relecture par contre, je n’écoute aucune musique et je m’isole complètement. Je suis trop facilement perturbé par les éléments extérieurs.

Par contre, je n’hésite pas à aller me promener ou à courir lorsque je suis bloqué dans mon écriture. Ça me vide l’esprit et ça me permet parfois de dénouer la narration.

Pensez-vous que la fantasy se prête plus facilement à certains univers ?

Par essence, la fantasy ouvre le champ des possibles à l’infini. Ce genre permet de créer son univers dans ses moindres détails au risque de s’y perdre (et de perdre ses lecteurs). Le dépaysement fait parti des plaisirs de la fantasy, davantage en tout cas que dans les autres genres de l’imaginaire, sauf peut-être dans les planet operas qui sont souvent des hybrides entre SF et fantasy.

Attention néanmoins à ce que l’univers ne soit pas la seule justification du roman. Je n’ai pas envie d’écrire un documentaire ou un article du National Geographic. Un roman, c’est avant tout une histoire. L’univers doit lui servir d’écrin et non l’inverse. Tout le long de l’écriture, j’ai été conscient du poids du monde de l’Arbre-Mère dans la narration et je me suis efforcé à trouver le juste équilibre. Les lecteurs me diront si j’ai réussi ou non.

Que diriez-vous à des lecteurs, pour leur donner envie de vous lire ?

Que vous soyez fan de fantasy ou néophyte du genre, laissez-vous emporter par cet univers arboricole unique où les humains ont appris à vivre en harmonie avec la Nature. Ne soyez pas déroutés par les noms d’écureuil des personnages et les descriptions fouillées, c’est normal et voulu. L’effet recherché est celui d’un voyageur Européen qui débarquerait pour la première fois au cœur de l’Afrique ou de l’Asie ancestrale. L’égarement laissera vite place à l’émerveillement. Vous suivrez alors avec délice les pas de Luwise Sofunada dans sa quête de soi, depuis sa tendre enfance jusqu’à son âge adulte. Vous la verrez douter, mûrir et choisir le chemin qui lui ressemble. Aventure, complots et magie sont au rendez-vous, alors n’hésitez plus.

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