Interview : Pauline Perrier

Pauline Perrier concourt avec « La Brèche » dans la catégorie Premier Roman

 

Comment as-tu eu l’idée de ton intrigue qui est un savant dosage entre dystopie et réalité ?

En fait, c’est bêtement après avoir regardé un énième film où les héros s’en sortent toujours trop facilement que j’ai eu envie d’écrire « La Brèche ». Je voulais parler des héros de tous les jours. J’ai écrit La Brèche peu après le vote de la loi sur le renseignement et mon inspiration vient des dictatures passées et des bouleversements que nous connaissons depuis des années, des luttes actuelles. L’intrigue s’est donc mise en place assez facilement. Fan de dystopies depuis toujours, j’ai voulu revisiter le genre, les « classiques », sans verser dans les ouvrages trop ados où les personnages tirent vers la Mary-Sue. J’ai donc mixé ce qui me plaisait dans tous ces versants du genre pour proposer quelque chose d’un peu différent. Je voulais que les lecteurs plongent dans ce monde fictif, mais qu’une petite voix murmure constamment à leur oreille « waouw, ça pourrait nous arriver ».

Tu es un jeune auteur, pourtant ta plume est déjà très mâture, l’écriture te vient-elle naturellement ou te faut-il retravailler plusieurs fois ?

Ça dépend des passages, des jours et de mon inspiration… L’écriture n’a rien d’une science exacte ! Avant toute chose, je mets mes idées au clair au brouillon, je fais des schémas, des trames narratives, je m’assure que je ne fonce pas droit dans une impasse. Ça évite tout blocage ou toute incohérence et ça me permet d’avancer de chapitre en chapitre de manière assez fluide. Cependant, je relis toujours ce que j’ai écrit la fois d’avant, avant d’entamer une séance d’écriture : je modifie, je corrige. Une fois le roman achevé, je le relis plusieurs fois, je réécris des passages, j’en coupe d’autres… Le travail de correction et de relecture me semble indispensable et c’est un travail très chronophage. 

La construction de ton univers s’est-elle faite naturellement ou cela a-t-il demandé beaucoup de réflexions ?

J’avais l’univers bien en tête en me lançant dans ce roman, ça s’est donc fait assez naturellement. Cependant, là encore, j’ai utilisé des schémas pour visualiser les emplacements des divisions, la structure de la Capitale, le marché des Quatre Vents…

Le fait de ne pas ancrer ton intrigue dans une réalité géographique ou temporelle, t-a-t-il apporté une certaine souplesse dans le déroulé ? Penses-tu que cela permette à chaque lecteur de trouver ses propres références ?

En effet, j’ai choisi d’entretenir un flou sur la dimension spatio-temporelle car je voulais que le lecteur puisse s’imaginer à la place des personnages, qu’il se dise tout le long « ça pourrait être mon pays » et que cela soit valable dans un an comme dans cent. Mais c’est aussi une liberté créative que je m’offre. Dans tout ce que j’écris, j’ai toujours besoin d’imaginer les lieux, de semer un certain flou sur l’année, le pays… J’aime construire entièrement l’univers de mes personnages.

Je trouve la réalité encombrante. Si elle sert l’histoire, alors je veux bien m’en accommoder, jouer avec et cela peut même être amusant d’imaginer mes personnages, dans des lieux que j’ai pu parcourir. Mais m’en tenir au réel à 100%, j’en suis incapable. J’écris pour m’évader. C’est inconscient mais dès que je me lance dans une nouvelle histoire, elle est toujours détachée de lieux réels ou de notre époque ou alors je ne mentionne pas l’année pour entretenir une certaine distance.

Ta plume est très visuelle, cela peut-il parfois être un atout ou dois-tu te freiner dans tes descriptions ?

J’essaie de doser, de ne pas ennuyer le lecteur. Je fais au mieux pour m’en tenir au strict nécessaire lorsque je décris une scène, un personnage. Je n’ai pas tant besoin de me freiner, j’écris en suivant mon instinct et j’ajuste au moment de la relecture.

A travers ton personnage principal, tu t’adresses à cette jeunesse parfois en perte de repères. Comment cela s’est-il imposé à toi ? Comment tes autres personnages se sont-ils articulés autour de l’intrigue ?

Je ne me suis pas vraiment posée la question. Souvent, mon histoire part d’un personnage que j’imagine, c’est un peu comme si je rencontrais quelqu’un dans la rue, qui a déjà un nom, une histoire et je le prends tout entier, avec ses bagages. À partir de ce que ce personnage me raconte, j’imagine ce qu’il pourrait lui arriver. C’est un peu une sorte de schizophrénie… Mes personnages sont vraiment comme de vieux amis, qui existent de manière tout à fait indépendante, qui ont leurs propres rêves, quêtes et peurs… 

D’emblée, Blake, Riley, Ruben et Sophia étaient les personnages qui se sont le plus imposés à moi. Dès le début, je savais exactement quel rôle ils allaient jouer, ce qu’ils incarnaient. Puis il y a eu Lincoln, Caeden et Vicente qui m’apparaissaient déjà très concrets, dont je savais qu’ils auraient un rôle important. J’ai ensuite articulé l’intrigue en fonction de ce que ces personnages avaient à offrir et j’ai créé les autres en fonction de tout cela, pour donner du relief, générer des rebondissements…

Qu’as-tu eu envie de transmettre à tes lecteurs

J’ai envie de leur donner la rage de changer les choses. Je veux qu’ils se sentent des héros, aussi marginaux qu’ils puissent paraître à leur entourage. 

Que représente pour toi le Prix des Auteurs Inconnus et pourquoi avoir eu envie de mettre ton livre en concurrence avec d’autres auteurs ?

Quand j’ai entendu parler du prix, j’ai été très enthousiaste car les petites maisons d’éditions, les jeunes auteurs et les indépendants n’ont qu’une place minuscule à se partager sur la scène littéraire. Aujourd’hui, tout le monde peut se prétendre auteur, alors les lecteurs se fient aux grandes maisons, aux noms connus, car ils ne savent pas où donner de la tête avec l’abondance de textes disponibles sur le net.

Mais il y a une véritable communauté de passionnés qui se bat corps et âme pour faire connaître leur plume, partager leurs histoires et entendre leur voix. Il est extrêmement rare qu’on les mette en avant alors la démarche des organisatrices est formidable. J’ai eu envie de faire concourir « La Brèche » pour faire partie d’une aventure dont j’estime et admire la démarche, pour échanger avec d’autres passionnés et, pourquoi pas, faire connaître mon ouvrage à un public plus large.

Ton livre a une fin ouverte, cela annonce-t-il une probable suite ou laisse-tu la possibilité au lecteur de se construire son propre chemin? Comment envisages-tu la suite en tant qu’auteur ?

Il n’y aura pas de suite. Du moins, ce n’est pas au programme – j’ai appris qu’il ne fallait jamais dire jamais, car ça finit toujours par se réaliser ah ! ah !

L’esprit de ce roman, c’est vraiment de transporter le lecteur, de lui faire vivre des aventures trépidantes, tout en l’invitant à réfléchir sur notre société, sur les notions de liberté et d’engagement. Je tenais à écrire une fin ouverte pour que chacun puisse imaginer l’avenir de son choix, qu’il soit optimiste ou pessimiste. L’idée dominante du livre, c’est de dire que l’on est acteur de sa vie, que si l’on ne fait rien, il ne faut pas attendre que les autres agissent pour changer les choses, alors il me semblait important que le lecteur soit acteur de cette fin… 

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